Sur la Lune, de Mary Robinette Kowal

Voici enfin la raison de ma lecture (heureuse, et c’est tant mieux !) des premiers volumes de la série « Lady Astronaute » : le roman « Sur la Lune », nommé au Prix Planète SF 2023. J’ai voulu lire les textes précédents car mon cerveau a buggé à l’idée de lire celui-ci sans avoir connaissance des évènements précédents (qui ne sont d’ailleurs pas toujours précédents dans la chronologie in-universe puisque certains d’entre eux se déroulent après ce roman, mais bref…). Et me voici donc au bout du chemin (provisoire car Mary Robinette Kowal a bien l’intention de prolonger sa série).

 

Quatrième de couverture :

Sur Terre, la situation est critique : le climat se détériore inexorablement et les tensions politiques s’accroissent. Une coalition internationale espère envoyer le plus de gens possible sur Mars avant que la planète bleue ne devienne inhabitable, mais il est évident que tout le monde ne pourra pas partir. Les manifestations contre le projet de conquête spatiale virent à l’émeute et des tentatives de sabotage des fusées sont mises au jour.

Le FBI craint désormais un attentat de grande ampleur visant la colonie lunaire, première étape vers Mars, ce qui condamnerait définitivement le programme spatial. Nicole Wargin, l’une des premières femmes astronautes, amie d’Elma York, se voit confier une mission en urgence pour le déjouer sur place. Malheureusement, le moment est plutôt mal choisi pour quitter la Terre : son mari, gouverneur du Kansas, envisage de se lancer dans la course à la nouvelle Maison-Blanche. Alors qu’Elma est à mi-chemin de Mars, si Nicole échoue, la survie de l’humanité pourrait être compromise.

Avec « Sur la Lune », Mary Robinette Kowal donne une nouvelle orientation à sa série de la « Lady Astronaute » : la science-fiction se teinte de thriller et d’espionnage. Politique, trahison, attentats et tentatives d’assassinat pimentent cette nouvelle aventure qui peut se lire indépendamment des précédentes.

 

Moonfire

Le changement dans la continuité, c’est ainsi que l’on pourrait qualifier « Sur la Lune » de Mary Robinette Kowal. La continuité c’est le programme spatial uchronique que l’autrice développe depuis quelques temps, « Sur la Lune » en constituant le troisième roman. Ce texte densifie la continuité chronologie de cette histoire alternative puisqu’elle se déroule en parallèle de celle de « Vers Mars », avec quelques liens qui permettent de mieux comprendre les évènements qui ont impactés l’expédition martienne, alors qu’ils n’étaient pas jusqu’ici pleinement détaillés au lecteur, ignorant des évènements terriens à l’image des astronautes en mission vers Mars. Et le changement c’est d’abord la narratrice, Elma York cédant sa place à Nicole Wargin, épouse du gouverneur du Kansas lancé dans la course à la Présidence des Etats-Unis. Une femme que l’on avait rencontré dans les romans précédents, une des premières astronautes et proche amie d’Elma. La carrière de son politicien de mari amène nécessairement un fort aspect politique dans le texte, avec une ligne « publique » (et une communication) qu’il faut tenir sous peine de nuire aux chances de succès de Kenneth Wargin. Un aspect politique reflétant aussi, à sa manière, la climat politique bien connu des Etats-Unis des années 60 de notre histoire. Climat agité ici, notamment avec le mouvement Earth First dont nous avions déjà eu l’occasion de voir les objectifs dans le roman précédent, à savoir redistribuer les crédits du programme spatial vers les populations délaissées (tout en sachant que le dit programme spatial vise à la survie de l’humanité puisque la Terre deviendra invivable d’ici quelques dizaines d’années à cause du changement climatique accéléré par la chute d’une météorite). Un mouvement qui n’hésite pas à user de sabotages pour faire échouer les différents lancements du programme, mettant en danger la vie des astronautes. Des sabotages rendus possibles par des agents infiltrés, possiblement jusque sur la Lune, et c’est Nicole Wargin qui va être chargée de les débusquer.

L’autre changement c’est donc le style du texte en lui-même puisqu’on est ici clairement en présence d’un thriller spatial, dans lequel tout le monde (ou du moins les personnes informées) soupçonnent tout le monde, à mesure que les évènements, potentiellement catastrophiques sur une base lunaire qui reste bien précaire, se précipitent. Mais Mary Robinette Kowal n’en oublie pas pour autant ses fondamentaux, la « moelle » de ses textes, à savoir la critique sociale, toujours présente ici avec des femmes qui doivent lutter pour s’imposer, ou un racisme qui peine à disparaître, bien ancré dans les esprits de certains. Là où on pourrait trouver que l’autrice se renouvelle peu, c’est dans sa manière de frapper, à l’image d’Elma York précédemment, son héroïne d’une forme de handicap. Elma York était victime de crises d’anxiété récurrentes, Nicole Wargin l’est d’anorexie. Ça change la donne sans vraiment la changer, et même si c’est évidemment l’occasion de parler de ce problème (et d’autres, tant l’autrice sait mettre en scène des personnages denses et complexes, avec leurs joies et leurs peines, parfois grandes et à juste titre, sans tomber dans le personnage « parfait sous tout rapport », car Nicole Wargin n’est pas parfaite : elle commet des erreurs, se laisse emporter, etc…), la « technique » pour le faire commence un peu à sentir le réchauffé après les troubles d’Elma dans les romans précédents.

Pour le reste, « Sur la Lune » est un très bon thriller lunaire dans une ambiance en huis clos qui fait bien ressentir ce sentiment d’enfermement dans une petite structure (qui doit devenir autosuffisante et sécurisée) au sein d’un vaste monde qui n’est absolument pas fait pour l’être humain, chaque problème pouvant donc devenir mortel. La tension monte régulièrement quand les problèmes apparaissent, d’autant qu’on ne sait jamais quand ils arrivent, ni de qui ils viennent. C’est tout le principe d’un thriller d’espionnage et c’est ici très bien mené. Peut-être le roman est-il un peu trop long pour son bien (700 pages) mais il se lit tout de même comme un vrai page-turner. La dimension politique du texte apporte beaucoup et même s’il peut se lire indépendamment, je ne saurais trop recommander la lecture de « Vers Mars » auparavant puisque les liens sont finalement à la fois distants (géographiquement) et étroits (les évènements de l’un impactant l’autre).

Le changement dans la continuité donc. Variant légèrement sa recette sans la revoir de fond en comble, Mary Robinette Kowal continue de développer son histoire spatiale uchronique (dont le développement fait rêver au regard de notre histoire spatiale à nous : base lunaire et le pied sur Mars dès les années 60…) efficacement, avec bienveillance, inclusivité et humanisme. A l’évidence, celles et ceux qui avaient apprécié les volumes précédents devraient adhérer à celui-ci. Ce fut mon cas et je suis déjà dans les starting-blocks pour le roman suivant (qui ne paraîtra en VO qu’en 2024, il va falloir être patient pour la VF…).

 

Lire aussi l’avis de Anne-Laure, Tigger Lilly, L’épaule d’Orion, Yogo, Gromovar, Lhisbei, Anudar, Cédric, Boudicca, Alias, Stéphanie Chaptal

Chronique réalisée dans le cadre du challenge « Summer Star Wars – Andor » de Lhisbei.

 

  
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