Les yeux du dragon, de Stephen King
Quatrième de couverture :
Il était une fois un roi qui vivait dans le royaume de Delain avec ses deux enfants. Dans ce royaume tout le monde parlait de Peter, le futur roi, le fils aîné de Roland. Mais un homme se demandait comment s’assurer que Thomas, le cadet, soit couronné à la place de son frère. Cet homme, c’était Flagg, le magicien du roi…
Le King règle ses contes
Car oui, « Les yeux du dragon » est bel et bien un conte, que King a écrit pour sa fille de 13 ans (à l’époque de son écriture, c’est-à-dire en 1984) qui ne s’intéressait alors pas à ses récits de monstres et autres joyeusetés typiquement kingiennes. Il commence d’ailleurs comme tel, « Il était une fois… », et ses personnages principaux se composent d’un roi, d’un prince et d’un conseiller-magicien crès crès méchant (nommé Flagg, il est là le lien essentiel avec « La tour sombre ») parce que dans un conte pour enfants il faut un méchant crès-crès-méchant-qui-veut-tout-détruire-juste-parce-qu’il-est-crès-crès-méchant.
La différence avec la plupart des récits de King saute aux yeux : le nombre de personnages est limité, ils figurent tous plus ou moins des archétypes assez monolithiques (le héros au cœur pur, le frère mal-aimé qui va tendre vers le mal, l’homme de loi très droit un peu obtus qui va prendre conscience de certaines choses, le serviteur dévoué, le méchant-crès-crès-méchant, oui je sais je l’ai déjà dit 😉 , etc…), les ressorts de l’intrigue, par ailleurs elle-même assez succincte (un prince enfermé à tort pour le meurtre de son père le roi, sous les manigances d’un conseiller crès-crès… (oui bon ok 😀 ), le dit vilain magicien profitant de son emprise sur le petit frère du prince pour placer celui-ci sur le trône, en parfait homme de paille, l’intrigue tournant bien sûr autour du fait de faire éclater la vérité et de rétablir le prince sur le trône qu’il a toujours mérité), n’ont rien de surprenant, et surtout (même si l’écrivain a récidivé plusieurs fois depuis (voire même avant si on tient compte des nouvelles qui composent les différents chapitre du récit « Le pistolero », premier livre du cycle de « La tour sombre »), de manière bien plus complexe) il s’agit d’un vrai monde de fantasy, à savoir un monde secondaire qui n’a rien à voir avec le nôtre.
Alors c’est vrai, les choses sont simples, certains évènements du récit arrivent parfois de manière bien pratique, certaines coïncidences, voire même ficelles, sont un peu grosses, mais on peut fort bien considérer que cela fait partie des règles du jeu d’un conte, de même que le contenu du récit qui est en somme un pur récit d’aventure et la manière de le présenter au lecteur avec de très nombreux chapitres très courts, dynamisant constamment l’histoire. King adapte sa plume au lectorat cible et même si on parvient toujours à discerner certains de ses tics d’écriture (dans sa manière de présenter à l’avance certains évènements par exemple), il faut bien constater (et c’est un argument supplémentaire pour souligner la qualité de son écriture, qui sait se faire simple sans être simpliste, avec toujours le but (atteint) d’accrocher son lecteur) qu’il réussit fort bien à se mettre au niveau, sans jamais être ennuyeux, avec en plus quelques facéties narratives comme cette manière de régulièrement s’adresser au lecteur en cassant le quatrième mur, chose là encore relativement commune dans un conte.
On pourrait considérer que tout cela et très classique et très manichéen, pourtant King y introduit certaines subtilités, certaines nuances qui donnent un peu plus de substance au récit, le rendant moins propret qu’un simple conte. Certains éléments et descriptions feraient même déconseiller le roman à des lecteurs trop jeunes… King reste King, et s’il tente de chasser le naturel, il revient vite au galop… 😀 J’ajouterais également que, années 80 obligent sans doute, ce récit reste quand même extrêmement masculin (à peine deux personnages féminins, une reine d’abord qui meurt en couches rapidement, puis Naomie (du nom de la fille de l’auteur) qui donne un rapide coup de main et finira par se marier…), ce qui peut étonner pour un roman que Stephen King a au départ écrit pour sa fille.
Pour le reste, « Les yeux du dragon » est un roman qui se lit vite et bien, sans demander une grande concentration, c’est un récit assez nettement différent du reste de la bibliographie de l’auteur mais qui apporte son lot de satisfactions et que je ne regrette absolument pas d’avoir relu. Oui car je l’avais déjà lu durant mon adolescence mais je n’en avais absolument plus aucun souvenir (si ce n’est celui de l’avoir lu ! 😀 ). Et je me rapproche donc encore un peu plus de « La tour sombre »… 😉
Lire aussi les avis de Alys, Sometimes a book, Les pipelettes en parlent, Temps de livres…
« j’ai comme l’impression que tout cela reste extrêmement ténu » : c’est même plus que ténu, comme globalement tous les liens entre les différentes oeuvres de King ; ça tient bien plus du clin d’oeil que de l’univers entremêlé.
C’est un des rares King que j’ai lu, et je l’avais fait justement parce qu’il est différent de sa production habituelle. Et je l’avais aussi trouvé sympa. ^^
La plupart du temps c’est vrai que ça tient plus du détail, un petit clin d’oeil lancé ici ou là à l’attention des fans et qui semble dresser une certaine forme de multivers kingien. Mais parfois il y a quand même des choses qui vont au-delà du clin d’oeil, genre le prêtre Callahan, personnage important de « Salem », qui réapparaît dans le tome 5 de « La tour sombre ». Et il y a d’autres exemples, comme le troisième volume de « Gwendy » qui s’insère nettement dans « La tour sombre » (mais je n’ai pas été voir de quelle manière pour éviter les spoilers)…
Bon, tout ça amuse les complétistes, mais ça n’a rien d’obligatoire pour profiter de l’oeuvre de Stephen King. 😉
Awwww! Trop cool de lire ton avis. Je suis allée relire le mien, du coup. Je garde une grande tendresse pour ce roman, du fait que c’est le tout premier Stephen King que j’ai lu. Et je garde un souvenir assez ému du dur labeur du frère aîné sur son tout petit outil qui lui vient de sa mère (je reste vague pour ne pas divulgâcher aux éventuels lecteurs des commentaires). La persévérance incarnée.
Je vois que ton voyage vers la Tour sombre est bien entamé, c’est formidable!
« la persévérance incarnée » -> c’est le moins que l’on puisse dire oui ! 😀
Je ne sais pas s’il faut lire Stephen King en commençant par celui-ci, sans savoir dans quoi on met les pieds, ou bien le lire une fois qu’on connait bien l’auteur, en sachant pertinemment que ce roman est très différent du reste. Deux situations presque diamétralement opposées et qui ont sans doute chacune leur intérêt. 😉
Le début d’un long voyage donc, mais avant de me diriger droit vers la Tour, je vais (re-)explorer un peu l’oeuvre du King… 😉