The Witcher, saison 1

Posted on 6 janvier 2020

S’il y avait bien une série qui était attendue au tournant en fin d’année 2019, c’était « The Witcher », l’adaptation de Netflix des romans de l’auteur polonais Andrzej Sapkowski. Une adaptation qui, au fil des images et des trailers dévoilés en amont de la diffusion, avait soufflé le chaud et le froid. J’avoue ne pas avoir suivi de très près la campagne de communication de Netflix, donc je ne saurais pas me prononcer sur ce point mais au vu des réactions limites épidermiques de certains, de nombreuses craintes se faisaient sentir. Mais ces réactions étaient aussi la preuve des attentes autour de cette série, de nombreux spectateurs fans de fantasy et orphelins de « Game of Thrones » ne sachant plus vers quel saint se vouer…

 

    

    

 

Une adaptation très fidèle

Sur le fond, il faut saluer la volonté de la production, menée par Lauren Schmidt Hissrich, de coller le plus possible aux textes de Sapkowski. Pour ce qui est du background, je vais éviter de faire une redite et vous enjoins d’aller lire mes articles concernant les livres de la saga littéraire. Le show n’est certes pas une adaptation à la lettre près mais le fond est très proche, et on peut voir la série et les livres comme deux manières de raconter une seule et même histoire. Cette première saison pioche dans les nouvelles des deux premiers volumes, tout en épaississant l’histoire personnelle de certains d’entre eux (notamment Yennefer), à moins que cette histoire ne soit contée dans les tomes postérieurs au troisième (puisque j’en suis pour le moment à ce point de la saga). L’essentiel de la série est donc tiré de différentes nouvelles, quasiment une par épisode, avec en fil rouge le développement de deux personnages très importants (en plus de Geralt de Riv, le sorceleur) dans l’intrigue globale, Yennefer et Ciri, et quelques points de détail qui vont a priori au-delà du tome 3, ou bien modifiés/transformés pour les besoins du média télévisuel.

 

    

    

 

Une fidélité qui a ses défauts

Le revers de la médaille de cette fidélité basée sur des récits indépendants est une certaine confusion (voire une confusion certaine) dans la narration. Ni tout à fait procédurale, ni tout à fait feuilletonnante (ou plutôt un peu des deux à la fois), la série donne le sentiment de ne pas vraiment savoir sur quel pied danser. Autre problème, plus gênant encore : trois trames temporelles distinctes (une pour chaque personnage : Geralt, Yennefer et Ciri) se partagent l’écran, avec très peu d’indices pour que le spectateur s’en rende compte. Résultat : on s’y perd vite, d’autant que la série se doit également de présenter les forces en présence et l’échiquier géopolitique puisque c’est là que se situe le point important : l’invasion de Cintra et potentiellement des autres royaumes par l’empire de Nilfgaard. Quand on remet les choses en place, ça passe déjà beaucoup mieux mais à l’évidence (et je dis ça en connaissance de cause : ma moitié était régulièrement perdue…) les non-lecteurs de la saga risquent de galérer un peu…

 

    

    

 

Un casting qui fait débat

Parmi les points épineux de la série, relevé bien avant la diffusion, se trouvait le casting. Qui en a surpris (et inquiété) plus d’un. Tout d’abord Henry Cavill. Bien sûr, Cavill n’est pas le sorceleur des jeux vidéo (jeux vidéo qui, rappelons-le, n’adaptaient pas les livres mais se passaient après ceux-ci). Mais peut-être que le sorceleur des jeux vidéo n’est pas non plus le sorceleur des livres… Peu importe. Cavill est-il bien dans son rôle ? La réponse est oui… la plupart du temps. Oui ses marmonnements peuvent lasser (il est vrai qu’en roman on ne les entend pas), oui parfois sa belle gueule n’est pas assez « dark » pour le personnage, oui son regard (au-delà de sa couleur jaune particulière) a un petit quelque chose qui ne colle pas tout à fait, mais je préfère laisser la parole à l’auteur des romans lui-même :

I was more than happy with Henry Cavill’s appearance as The Witcher. He’s a real professional. Just as Viggo Mortensen gave his face to Aragorn [in The Lord of the Rings], so Henry gave his to Geralt — and it shall be forever so.

Voilà qui a le mérite d’être clair.

D’autres choix ne font pas non plus l’unanimité. J’avoue que la Yennefer que j’ai imaginée n’est pas celle de la série. Je la voyais plus âgée, plus « femme » que « jeune femme ». Mais j’avoue aussi que l’actrice Anya Chalotra fait le job de belle manière. Triss Merigold (jouée par Anna Shaffer) aussi est transformée : la rousse flamboyante n’est plus, la voilà beaucoup plus « sage » et discrète. Ce sont des choix de production, des choix dont on pourra débattre éternellement. Mais des choix qui finissent par faire leur chemin dans l’esprit du spectateur, et les acteurs sont malgré tout convaincants (avec une mention pour Freya Allan qui incarne Ciri, alors que son rôle dans cette saison est pourtant réduit à une fuite constante).

 

    

    

 

Des thématiques bien présentes, sans lourdeur

La saga littéraire du sorceleur, très divertissante, n’oublie pas d’aborder des thématiques plus « sérieuses ». La série, vu sa fidélité aux textes, aurait eu mauvais goût de les avoir éludées. Ce n’est heureusement pas le cas, et on retrouve donc cette notion du « moindre mal » dès le premier épisode mais aussi, et c’est bien logique puisque cela fait partie intégrante du monde de « The Witcher », la colonisation et le racisme subis par les « anciens peuples » (les elfes notamment). On soulignera d’ailleurs le fait que de nombreux personnages issus de ces minorités opprimées sont des personnages racisés. Cela résonne forcément avec notre présent bien à nous…

 

    

    

 

Un budget qui n’est pas celui de « Game of Thrones »

Evidemment, qui dit série de fantasy dit « Game of Thrones ». La comparaison est pourtant injuste : d’une part ce sont deux types de fantasy bien différentes (plus de politique dans « Game of Thrones », plus de magie et de monstres dans « The Witcher » (la politique n’ayant ici pas (pas encore…) montré ses mauvais côtés…), ce qui conduit inévitablement à une sorte de snobisme injuste de la part de certains spectateurs), d’autre part les budgets sont sans doute bien différents. Et donc oui c’est vrai, les batailles de « The Witcher » ne sont pas spectaculaires comme pouvaient l’être celles de « Game of Thrones », il n’y a pas autant d’acteurs et de figurants, les effets spéciaux ne sont pas aussi réussis (sans que ce soit résolument catastrophique comme certains le crient, simplement parfois un peu trop voyants, dans le mauvais sens du terme), etc… Mais comparer « The Witcher » à « Game of Thrones » n’a pas lieu d’être : elles n’ont pas les mêmes prétentions, les même discours. Deux séries distinctes, la réussite de l’une, sur bien des plans, ne devant pas nécessairement éclipser l’autre qui ne réussit pas dans les mêmes domaines.

Car « The Witcher » a aussi des aspects plus réussis que GoT. Qui se souvient de combats à l’épée bien chorégraphiés dans GoT ? Pas moi. Plus réalistes peut-être côté GoT, mais tellement plus classes dans « The Witcher ».

 

    

    

 

C’est confus mais tout s’éclaire

La série navigue donc un peu à vue, avec des premiers épisodes pas tout à fait convaincants, à cause de sa narration confuse mais aussi tout simplement car certains sont presque ratés… Le deuxième épisode par exemple est à peu près incompréhensible… Pourtant, elle se bonifie au fil des épisodes, le temps pour le spectateur d’apprivoiser la narration et à travers elle, le monde de « The Witcher » et ses personnages. En jouant sur les styles (aaaaaah, cet épisode 3, qui donne en plein dans le style horrifique…) et sur les ambiances (on trouve régulièrement de superbes paysages naturels, y compris des paysages typés « montagnes désertiques » et c’est finalement assez rare en fantasy à l’écran), elle montre qu’elle est capable du meilleur. Et vient un moment, dans l’épisode 7 où tout se regroupe et où l’on comprend que la narration, malgré son manque de limpidité, n’était pas faite au hasard. Un très bel épisode, un modèle du genre même, pour ce qui est de la réunification des intrigues.

 

    

    

 

Verdict

C’est vrai, « The Witcher » est une série bardée de défauts. Qui peuvent d’ailleurs être rédhibitoires pour un certain nombre de spectateurs. Combien de non-lecteurs vont arrêter la série car ils n’y comprennent pas grand chose ? Un certain nombre sans doute. Combien ne vont pas accrocher à cette fantasy « pas très sérieuse » avec des magiciens qui font des sorts et des monstres dans tous les épisodes ? Un certain nombre peut-être. Et pourtant, la série est généreuse et à de quoi offrir un bon moment de fantasy parfois très dark (et violente), comme on n’en voit trop peu à l’écran. D’autant qu’encore une fois, elle ne peut pas et ne doit pas être jugée sur ses deux premiers épisodes, sans doute les moins bons de la saison. Alors c’est vrai que sa manière de narrer l’histoire est un peu curieux, voire même risqué, mais c’est une manière de faire finalement assez rare et plutôt culottée, ce qui mérite d’être salué en ces temps où tout est très maîtrisé, voire formaté. Cette saison 1 n’est à l’évidence qu’une vaste introduction (la scène finale le montre bien) pleine de défauts mais aussi régulièrement enthousiasmante. Largement de quoi attendre la saison 2 de pied ferme.

 

    

    

    

 

  
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