Le porteur d’eau, de Jean-Marc Ligny
Quatrième de couverture (ou plutôt le début du texte) :
C’est une vallée désertique, terre craquelée, arbres morts, pelade d’herbes jaunes moribondes. Sur les flancs ravinés des collines, des souches calcinées, de la caillasse, des broussailles épineuses et revêches, de la poussière qui volute au moindre souffle de vent. Les empreintes d’anciens champs, des vestiges de clôtures. Au creux de la vallée, quelques fermes en ruines gisent le long de routes défoncées, dont l’asphalte est réduit à l’état de plaques noirâtres. Sur les rives pierreuses d’une rivière asséchée s’étend un village, dont le centre est enclos d’une grossière palissade de tôles. Hors de l’enceinte, les maisons sont abandonnées, écroulées ou incendiées. Une zone artisanale en friche arbore les carcasses dénudées de bâtiments industriels, entourés de traces de parkings envahis de moisine, où achèvent de pourrir deux ou trois épaves de voitures sableuses et mangées de rouille. Au milieu du village, un pont effondré, rafistolé de bric et de broc, enjambe la rivière. Quelques panneaux solaires décatis s’étalent sur les toits des maisons. Quatre éoliennes de guingois tournent en grinçant. Surgissant au-dessus des collines pelées, le soleil se lève sur cette désolation, énorme, boursouflé. La journée s’annonce torride, comme d’habitude.
L’espoir s’en est allé…
Ce récit m’en a rappelé un autre, « Exodes », roman lui aussi signé Jean-Marc Ligny et paru en 2012, soit trois ans après « Le porteur d’eau », nouvelle parue quant à elle en 2009 dans le numéro 56 de la revue Bifrost. Et pour cause : « Le porteur d’eau » pourrait faire office d’introduction au roman, puisqu’il en partage l’univers, avec les mêmes problématiques mais aussi la même noirceur.
Comme dans « Exodes » donc, le texte se situe dans un avenir relativement proche de nous (en 2080 précisément), dans une France ravagée par le changement climatique. La description du petit village qui ouvre le récit pose le décor : vous qui entrez ici abandonnez toute espérance… Les habitants survivent à peine, doivent quémander (et payer) l’eau potable au village voisin dirigé par un tyran, et subissent les assauts d’un soleil qui brûle tout. C’est dans ce village au bord du délabrement le plus total que Cédric, le maire (ou disons celui qui fait plus ou moins office d’autorité pour prendre certaines décisions), va faire le choix risqué mais nécessaire de faire à pied sous un soleil meurtrier les 15 kilomètres le séparant du village voisin pour ramener de l’eau potable, alors que son épouse Clara est rongée par un cancer de la peau et que les autres habitants meurent eux aussi à petit feu. Les plus riches, eux, sont à l’abri dans des villes sous dôme, à l’abri du danger, à l’abri du climat. Davos est une de ces enclaves, dans laquelle vit la soeur de Clara, Mélanie. Cette dernière va tenter de faire accepter un rapprochement familial pour mettre Clara à l’abri.
Descriptions précises et terribles (les deux extrêmes que sont le village de Cédric et Clara et l’enclave de Davos sont frappants), personnages touchants au bord du chaos, Jean-Marc Ligny met en scène ici ce qui reste de l’humanité après son effondrement dû au réchauffement climatique. Une humanité qui cherche à survivre à tout prix, en s’entraidant (mais pas toujours…), ou en se repliant sur ses privilèges, voire carrément en cédant à la violence la plus meurtrière.
Evidemment, et les lecteurs du roman « Exodes » ne seront pas surpris, le texte est noir, très noir. Cruel même, avec ses personnages, ce qui n’empêche pas « Le porteur d’eau » d’être un excellent récit (Jean-Marc Ligny semble être l’auteur français qui s’est le mieux approprié la problématique du réchauffement climatique sur le plan des conséquences pour les populations), pour ceux qui n’ont pas peur de sombrer dans le désespoir. Est-ce ainsi que cela se passerait si nous en arrivions à une telle situation ? Il est glaçant de le penser, mais peut-être naïf de le nier…
Critique écrite dans le cadre du challenge « Le Projet Maki » de Yogo.
J’imagine… Un monde sans librairie ni lecteur de SF ni même blog Internet. Terrible.
Oui voilà. L’horreur absolue. Le reste, à côté, c’est rien du tout. 😀
Je dois l’avoir aussi dans mon stock de nouvelle à l’unité… je vais y jeter un oeil.
Et merci 😉
De rien.
Bonne lecture, tu me diras si tu ne déprimes pas après cela. 😀
Bon retirer de la vente par Le Bélial’ (#!$%%@!!!) je vais voir si je peux pas trouver le Bifrost 56 à la médiathèque. Je ne connais pas cet auteur, du coup, si je trouve la nouvelle, je verrai à me plonger dans le roman ensuite ! Merci bien 🙂
Oui les nouvelles gratuites du Bélial’ le sont souvent pour un temps limité, il faut guetter (même si ces mises à disposition se font de plus en plus rares ces derniers mois…). 😉
« Ce récit m’en a rappelé un autre, « Exodes », roman lui aussi signé Jean-Marc Ligny et paru en 2012, soit trois ans avant « Le porteur d’eau », nouvelle parue quant à elle en 2009 dans le numéro 56 de la revue Bifrost » -> trois ans après non ?
J’avais lu cette nouvelle à l’époque et elle a été assez marquante pour que je me rappelle encore du titre et vaguement du contenu ^^
Trois ans après, oui bien sûr, voilà que je compte à l’envers… 😀
Merci, je corrige. 😉
Oui elle est marquante, j’ai encore pas mal de souvenirs d’Exodes, ce sera sans doute aussi le cas avec ce texte.
C’est un thème qui revient souvent, mais cet auteur semble vraiment avoir compris beaucoup de choses pour les retranscrire dans ses textes. Ça peut être une bonne idée de lecture, si jamais j’ai un excès de joie de vivre.
Tout à fait, il y a un truc en plus dans les romans de Ligny sur le réchauffement climatique par rapport à d’autres auteurs. Un autre auteur me semble important sur ce créneau, même s’il l’aborde de manière différente, c’est Paolo Bacigalupi.
Quant au « Porteur d’eau », à ne surtout pas lire en cas d’état dépressif, sinon c’est la fin ! 😀
Merci pour les conseils, j’irai voir ça !
Ahah je me doute, ça n’a pas l’air fort jovial, surtout avec cette thématique…
Bacigalupi n’est pas toujours d’une lecture « aisée » (quoique « Water knife » est très abordable), mais c’est excellent. Et ce n’est d’ailleurs pas très gai non plus… 😀
Mais tu m’en diras des nouvelles. 😉