Zapping VOD, épisode 55

Posted on 31 juillet 2020
Sur ma lancée de la dernière fois, je reste dans le domaine des arts martiaux avec la suite de la (fausse) vie de Ip Man, puis avec un autre film mettant en scène Donnie Yen (devenu incontournable dans le cinéma d’arts martiaux), et enfin avec

 

Ip Man 3, de Wilson Yip

On prend les mêmes et on recommence ? Pas tout à fait, enfin. Ce troisième opus de la série consacrée au maître du wing chun, Ip Man (toujours sous les traits du charismatique Donnie Yen) prend enfin ses distances avec un message à la limite de la xénophobie pour se rapprocher un peu plus de l’intimité de l’homme. Cela a pour conséquence de rapprocher le spectateur du personnage qui n’est plus seulement le maître d’arts martiaux que l’on connaît mais aussi un homme confronté à des problèmes contre lesquels ses poings ne peuvent rien. C’est l’occasion pour lui de s’éloigner un peu de ce à quoi il a voué sa vie entière pour se recentrer sur les fondamentaux familiaux qu’il avait trop tendance à délaisser (ce que le deux premiers films montraient d’ailleurs à plusieurs reprises). Cela permet aussi, enfin, à Lynn Hung (l’actrice jouant le rôle de Cheung Tin-chi, l’épouse d’Ip Man) de s’exprimer un peu plus en allant au-delà de la femme s’occupant du foyer pendant que son cher et tendre va tatanner les méchants. Et il faut bien dire que ces séquences centrées sur l’émotion, essentiellement regroupées vers les deux tiers du film, fonctionnent parfaitement et humanisent très nettement le personnage d’Ip Man.

En revanche, sur le plan de l’intrigue, le bilan est nettement plus mitigé. Trois arcs se partagent le film, celui de la cellule familiale d’Ip Man donc, mais aussi celui d’un homme cherchant à se faire sa place dans le domaine des arts martiaux (je vous le donne en mille : il va falloir passer par Ip Man), ainsi qu’une partie sur des méchants promoteurs américains (avec en tête de liste Mike Tyson himself !) qui voudraient acheter (avec pots de vin et aide des petits voyous locaux, le tout soutenu par la police anglaise corrompue) le terrain sur lequel est bâtie une école (je vous le donne en mille : il va falloir passer par Ip Man). Ces trois arcs ne se mélangent pas très harmonieusement, celui sur les américains étant même carrément inintéressant, permettant certes de mettre en scène celui qui va vouloir rivaliser avec Ip Man dans le domaine des arts martiaux mais surtout d’aboutir à un combat entre le maître du wing chun et Mike Tyson.

Alors oui, c’est vrai, Mike Tyson dans un film, ça fait peur. Mais bon, il est juste là pour prendre quelques billets et sortir les poings. D’ailleurs, chose amusante, le combat Ip ManTyson se termine sur un match nul. « Défaite interdite » était peut-être une clause écrite dans le contrat du boxeur ?… 😉

Et les combats justement. Chorégraphiés par le célèbre Yuen Woo-ping, ils jouent d’abord sur le nombre (un homme ou peu d’hommes contre plein) avant de se recentrer sur les duels qui sont ceux où s’exprime le mieux Donnie Yen. Les trois derniers combats du film sont vraiment superbes (la cage d’ascenseur d’abord, Tyson ensuite, et surtout le combat final contre le rival d’Ip Man dans lequel tout y est : des bâtons, puis des couteaux, puis les poings, magnifique !).

Et donc, malgré une narration pas vraiment satisfaisante, ce « Ip Man 3 » reste encore tout à fait sympathique, grâce essentiellement à ses derniers combats et son approche de l’intimité d’Ip Man, tout ce qui se trouve concentré en deuxième partie de long-métrage en fait. Et de manière globale, les trois films « Ip Man » sont tous très sympathiques et apportent quelque chose à l’ensemble. Il est simplement dommage qu’aucun d’entre eux n’arrive à l’excellence. Il faudrait pour cela reprendre le réalisme et le solide contexte historique du premier, le fabuleux dernier combat du deuxième et le côté intime du troisième. Qui sait, peut-être que « Ip Man 4 » y parvient, lui qui est en salles depuis fin juillet ?

 

Swordsmen, de Peter Chan

Vous reprendrez bien un peu de Donnie Yen et d’arts martiaux ? 😉 Cette fois, « Swordsmen » est autant un film d’arts martiaux que d’enquête policière, style « Les Experts en Chine » dans un petit village perdu au fin fond de la campagne au début du XXème siècle. Avec un casting où figurent Donnie Yen donc, mais aussi Takeshi Kaneshiro, on peut s’attendre à quelque chose de sympathique.

Et c’est bien le cas, même si tout n’est pas parfait. Mais on sent l’envie de bien faire, et pas mal de moyens pour y arriver. Des effets spéciaux plutôt pas trop mal (même si parfois un peu trop « numériques »), de très jolis décors naturels, des chorégraphies martiales (pas très nombreuses, seulement trois scènes de combat au compteur) imaginées par Donnie Yen lui-même et vraiment réussies, il y a de la qualité.

L’histoire ? Un paysan, Liu Jinxi (Donnie Yen), se retrouve embarqué dans une bagarre suite à une tentative de braquage du magasin du coin par deux voyous. Finalement, les deux malfrats trouvent la mort. Un enquêteur, Xu Baijiu (Takeshi Kaneshiro), est dépêché sur place pour faire la lumière sur cette affaire. Et cet enquêteur, qui a la justice chevillée au corps, va donc, sur un mode « Les Experts », utiliser sa science (de l’observation mais aussi celle, très chinoise, des méridiens et des points vitaux) pour découvrir la vérité. Qui est ce paysan qui prétend avoir eu de la chance ? La première partie du récit est donc centrée sur cette enquête, joliment menée quoique de manière un peu hâtive (Xu Baijiu arrive un peu vite à se représenter la scène du crime), avec des témoignages durant lequel sa « conscience » apparaît pour refaire le fil de la scène, et quelques ralentis et autres effets spéciaux « biologiques » qui donnent une vraie modernité à l’ensemble.

Et puis, et puis, une fois qu’on cerne un peu mieux qui est qui, le film se laisse aller à une histoire de rédemption d’un côté, de vengeance de l’autre. C’est assez convenu, même si le film ne perd jamais de vue ses personnages, notamment celui de Donnie Yen bien sûr, qui a tendance à éclipser un peu tous les autres, y compris celui de Takeshi Kaneshiro qui a pourtant, avec son aveuglement dû à une justice qu’il place au-dessus de tout en oubliant parfois le simple « esprit de la loi », un beau personnage qu’il peine à réellement développer. Mais l’intrigue (et le (les) drame(s) associé(s)), pour convenue qu’elle soit, se ménage quand même quelques jolis moments, soit surprenants, soit frappants (la violence n’est pas frontale mais on comprend très clairement ce dont il est question, et les enfants ne sont pas épargnés), soit émouvants. Et pour une fois, la retenue est à l’oeuvre dans l’ensemble du casting ou presque, et ça fait du bien dans un film chinois.

Mais je dis presque parce qu’arrive le combat final, où le méchant laisse libre cours à sa soif de vengeance, de manière un peu extrême, flirtant avec le grotesque. Le combat en lui-même vaut le détour si on accepte, même si c’est souvent l’usage dans les films d’arts martiaux, des exploits physiques totalement cheatés comme le fait de bloquer les coups d’épée comme si son corps était devenu du béton armé… Et c’est vrai que du coup ce sentiment mitigé sur ce dernier acte pèse un peu sur le ressenti du film, alors que les deux autres combats, notamment le deuxième, sont tout à fait excellents.

Reste au final un film (qui n’est pas tout à fait un film d’arts martiaux vu le peu de scènes de combat) sympathique, à la réalisation moderne, accompagné par une musique jouant à la fois sur le traditionnel et l’anachronique (guitare électrique dans les scènes d’action) et qui, en menant son intrigue en deux temps, permet de s’assurer un peu de suspense et un beau développement du personnage principal qui cherche, bon gré mal gré, à laisser son passé derrière lui. Pas si mal.

 

Seven Swords, de Tsui Hark

Le montage original de ce film durait 4 heures mais a été réduit à 2h30 lors de sa sortie publique. La plupart des défauts de ce film sont dûs à ce dégraissage qui a vraiment trop taillé dans le gras pour commencer à attaquer les parties nobles. En effet, malgré une intrigue très simple frôlant l’épure scénaristique (une bande de mercenaires, liée à l’Empereur qui a interdit la pratique des arts martiaux, ravage les villages du nord-ouest de la Chine. Sept guerriers, armés de puissantes épées, vont se dresser pour défendre l’un de ces villages), le récit reste confus, bardé d’ellipses manifestes là où il aurait fallu apporter quelques éléments pour comprendre de quoi il s’agit et quelles sont les motivations des personnages. On peut même aller jusqu’à se demander qui sont les personnages mis en scène dans le film, c’est dire à quel point il a été charcuté…

Car oui, de ces sept guerriers (ou plutôt cinq d’entre eux, puisque les deux derniers viennent du village assiégé, sans qu’on sache pourquoi ils se retrouvent munis d’une de ces épées particulières et intégrés à ces « Seven Swords »…), on ne saura quasiment rien, si ce n’est via un ultra bref flashback dans le tout dernier segment du film. C’est maigre, très maigre… Et ces épées, qui semblent dotées de certaines caractéristiques bien spéciales, comment ont-elles été forgées, quels sont les « pouvoirs » de ce vieux maître qui les a forgées ? Et qui est-il ce vieux maître ?… Autant de questions qui n’ont pas de réponse, ou si peu… Et quand on regarde les ambitions de Tsui Hark au départ, on comprend mieux le pourquoi du comment… Le réalisateur comptait en effet réaliser six (!!) films, une série télé, des bandes-dessinées, etc… De cette ambition initiale, il ne reste qu’un seul film, et une saison de série télé qui semble d’ailleurs retravailler le scénario de ce film. Maigre, très maigre. On peut facilement imaginer que ce qui aurait dû devenir une franchise aurait apporté toutes les réponses que le spectateur ne peut manquer de se poser, mais en l’état c’est famélique de ce point de vue. D’où la déception de ne pas rendre disponible le montage de 4 heures qui aurait sans doute largement pu adoucir les angles, en plus de lisser les ruptures de ton qui donnent lieu à des digressions tombant comme un cheveu sur la soupe, à la limite de l’incompréhensible tant les personnages et leurs motivations restent obscurs (l’adieu au cheval par exemple, sur un mode « Sam avec Bill le poney »).

Et c’est bien dommage car sur le plan formel, le film est pétri de belles images, de beaux décors, de beaux costumes. Il y a du « Conan le barbare » dans cette Chine du XVIIème siècle sillonnée par des bandits peinturlurés qui auraient très bien pu être intégrés à l’armée de Thulsa Doom. Les belles images dans les steppes chinoises sont bien là, et la caméra de Tsui Hark, même si on pourrait parfois lui reprocher de filmer les combats de manière un peu trop serrée, se fait dynamique, à l’image de ces combats justement, pas si virevoltants que ça mais en revanche assez brutaux (ça tranche pas mal, les têtes et les membres volent…) et surtout tout à fait à la hauteur du film, notamment le dernier d’entre eux qui culmine dans un duel au milieu d’un couloir étroit qui voit les combattants prendre appui sur les murs pour tenter de prendre l’ascendant sur l’adversaire (là pour le coup, c’est virevoltant).

Alors, Tsui Hark oblige, le film n’en reste pas moins agréable à regarder, mais bon sang, où est sa substance ? Les personnages (l’un d’entre eux étant joué par le décidément incontournable Donnie Yen…) sont à peine esquissés, on ne comprend pas qui ils sont, ce qu’ils font là, etc… C’est à se demander comment quelqu’un a pu donner son aval à une sortie en salles dans cet état. Car le résultat, pour aussi beau qu’il soit, c’est que les 2h30 du film paraissent bien longues. D’où le paradoxe de souhaiter voir cette fameuse version de 4 heures… Mais un tel charcutage fait au détriment de toute la structure et des personnages du film, franchement, c’est une hérésie… Et pourtant, quel potentiel il y a derrière tout ça ! Un beau et agréable gâchis certes, mais un gâchis quand même…

 

  
FacebooktwitterpinterestmailFacebooktwitterpinterestmail