Récursion, de Blake Crouch

Posted on 10 janvier 2022
En ces temps de lecture un peu difficiles (peu de disponibilité, esprit ailleurs) mêlés à une motivation absente pour le blogging, il me faut quelque chose de « simple » à appréhender. Ce roman de Blake Crouch a tout du thriller SF, genre apte à captiver le lecteur sans lui monopoliser le cerveau. Et je dis ça sans jugement de valeur : j’aime ce genre de lectures de temps en temps. Alors tentons le coup avec ce « Récursion ».

 

Quatrième de couverture :

La réalité n’est qu’un souvenir.
Barry Sutton, flic désabusé de la police new-yorkaise, enquête sur une vague de suicides engendrée par le Syndrome des Faux Souvenirs, une maladie neurologique inexpliquée dont les victimes se remémorent une vie qu’ils n’ont jamais vécue.
Parallèlement, Helena Smith, une neurologue travaillant sur la mémoire, est recrutée par le richissime Marcus Slade pour développer un dispositif permettant d’enregistrer les souvenirs, officiellement pour lutter contre la maladie d’Alzheimer. Mais Slade comprend bientôt que cette invention peut faire bien plus que cela, et ses ambitions font peser sur la réalité elle-même un danger inouï.
Seuls Helena et Barry, en joignant leurs forces, ont une chance de l’arrêter…

 

Time moves in one direction, memory in another (William Gibson)

Voilà un roman qui cache bien son jeu. Après tout, en lisant la quatrième de couverture, on s’attend à quelque chose de relativement classique, à base de thriller SF qui voit deux personnes se réunir pour lutter contre un vil personnage qui compte utiliser à ses propres fins une invention révolutionnaire. Et devinez quoi ? C’est bien le cas. Mais pas tout à fait en fait. Et en plus, pas de cette manière. Mais vous imaginez bien qui si l’éditeur a fait le pari de dissimuler bien des aspects du roman, c’est pour mieux surprendre le lecteur, ne vous attendez donc pas à ce que je dévoile quoique ce soit pouvant gâcher la ou les surprises.

Mais alors, je vais dire quoi, moi, hein ? Hé bien, commencer par parler un peu les personnages. Helena Smith donc, neurologue de son état, et qui cherche à développer un appareil permettant de cataloguer les souvenirs, motivée qu’elle est par la maladie d’Alzheimer de sa mère. Une manière de faire reculer la maladie, en « entretenant » les souvenirs avant que la maladie ne les efface. Le temps lui est compté bien sûr, l’état de sa mère ne s’arrangeant pas, même si elle est bien consciente que si ce n’est pas sa mère qui en bénéficie, ce seront les malades ultérieurs. Sauf que ses recherches progressent lentement. Trop lentement, avec des financements sans doute trop maigres pour suffisamment financer une telle rupture scientifique et technologique.

L’arrivée inopinée de Marcus Slade, richissime homme d’affaire lui proposant d’intégralement financer ses travaux, est donc un don du ciel. Mais étonnement, les travaux d’Helena devront se faire sur une ancienne plateforme pétrolière isolée et transformée en laboratoire de recherche de pointe… Slade est- il donc le bon samaritain pour lequel il voudrait se faire passer ? Qu’a-t-il à gagner dans cette affaire ?

Et enfin, Barry Sutton, flic un peu au bout du rouleau, pour qui la vie n’a plus guère d’importance depuis la mort de sa fille quelques années plus tôt, accident qui a conduit son couple à se déliter, jusqu’au divorce. Une de ses enquêtes va l’amener à rencontrer une jeune femme, Ann Voss Peters, sur le point de se suicider en se jetant du haut d’un immeuble. Victime du Syndrome des Faux Souvenirs, elle vient de se découvrir une vie passée, une histoire et tous les petits détails qui vont avec, qu’elle n’est pas vécue. Mari, enfant, rien de tout cela n’est vrai. A moins que, puisque son mari existe bel et bien mais est marié à une autre femme, censée s’être elle-même suicidée dans la vie « remémorée » par Ann

Mais où tout cela mène-t-il le lecteur ? Il faudra lire le roman pour le découvrir. Mené tambour battant (de ce point de vue là, pas de surprise, le thriller SF est efficace, peut-être un peu trop même : la « technique », trop bien rodée, finit par lasser quelque peu), « Récursion » ne manque pas de surprises, élevant ses enjeux jusqu’à des niveaux cataclysmiques offrant quelques scènes particulièrement marquantes. Amenant son concept de départ (que je ne détaille pas ici, effet de surprise encore) à des niveaux insoupçonnés, Blake Crouch s’amuse avec des effets de répétition, de gradation dans le drame planétaire, et de ce point de vue c’est plutôt réussi, alors qu’il parvient également à transformer sa ligne narrative de manière étonnante.

Pour autant, « Récursion » est, comme je l’ai dit, à classer dans la catégorie des thrillers SF, et à ce titre se garde bien de faire dans la vraie hard SF. Certes, il y a une petite mécanique d’esprit à assimiler mais ça n’a rien de bien compliqué, le roman se devant de rester assez grand public. C’est clairement le côté thriller qui l’emporte sur tout le reste, même si l’intrigue relève bien évidemment de la SF pure (avec par ailleurs un petit côté vertigineux et hard SF bien utilisé sans que l’auteur ne veuille entrer de plain-pied dans ce genre propre à faire fuir le lecteur lambda…). La technique d’écriture est également assez typique du genre thriller-qui-ne-doit-pas-lâcher-le-lecteur. Efficace donc, mais parfois agaçant car trop « blockbuster ». Il faut également signaler quelques facilités narratives et une ou deux choses qui auraient mérité d’être un peu plus développées.

Alors au final, « Récursion » et son jeu sur la mémoire, les souvenirs, le temps, les actes manqués, parvient à captiver le lecteur grâce à son intrigue surprenante qui part dans des directions inattendues. Dommage que le style « thriller SF » soit un peu trop lourd à supporter. Mais ça reste une lecture sympathique, ce que l’on peut qualifier, sans que ce soit péjoratif, de bon roman de gare.

 

Lire aussi les avis de Célindanaé, Yogo, Lianne.

 

  
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