Cyberpunk’s not dead, de Yannick Rumpala

Posted on 17 janvier 2022
Encore un peu de cyberpunk, mais sous l’angle d’un essai de Yannick Rumpala , publié aux éditions du Bélial’ dans la collection « Parallaxe », qui revient sur les thématiques essentielles et les perspectives dressées en son temps par ce genre plein de néons, de prothèses cybernétiques, de matrices informatiques et de luttes sociales.

 

Quatrième de couverture :

Surgi au cours des années 1980, le cyberpunk a marqué la science-fiction de son empreinte, donnant une contrepartie littéraire aux fulgurances esquissées au cinéma par l’iconique « Blade Runner ». Avec des œuvres majeures comme « Neuromancien » de William Gibson, tout un imaginaire s’est alors ouvert, révélant des anxiétés appelées à résonner durablement… Prolifération technologique, évasion dans des mondes virtuels, domination économique des multinationales, précarisation sociale, fragmentations culturelles en nouvelles tribalités : en quoi et comment ces visions peuvent-elles (encore) faire sens à quelques décennies de distance ? Yannick Rumpala, maître de conférences en science politique à l’université de Nice, explore ici les thématiques et projections installées par ce mouvement littéraire, la manière dont il s’est coulé dans une modernité déjà chancelante et a cultivé les germes des incertitudes futures de nos existences. Tel un laboratoire dont les expérimentations auraient malencontreusement débordé…

 

High tech, low life

Avec cette célèbre définition du genre cyberpunk, forcément un peu restreinte malgré tout tant le genre est riche (l’essai ici présent de Yannick Rumpala, maître de conférence en science politique à l’université de Nice, est justement là pour le démontrer), on tient un des éléments substantiels du cyberpunk : de la technologie (aussi bien de haut niveau que de bricolage dans un garage) et un aspect social fort (à travers un délitement de la société sur différents plans : économique, politique, etc…). L’auteur de ce riche essai tente donc de mettre un peu d’ordre dans tout ce qui se rapporte au cyberpunk, en s’attardant sur les thématiques essentiels du genre (l’objet des différents chapitres du livre : les corporations, les modifications cybernétiques, le cyberespace, les villes, la contreculture, etc…) et en démontrant que le cyberpunk, plus qu’un simple genre presque mort aussi né et très ancré dans son époque, a en fait vu juste sur bien des plans quant à l’évolution de notre société.

Loin de simplement vouloir dire que nous nageons déjà en plein cyberpunk, Yannick Rumpala s’astreint à une démonstration particulièrement riche visant à décortiquer ce qui fait l’essence du genre et, en extrapolant, à voir que la vérité n’est pas si éloignée, dès lors qu’on veut bien mettre de côté l’attirail technologique un peu daté et toute l’iconographie so 80’s. Entre une technologique omniprésente, l’affaiblissement des Etats face à des méga-entreprises surpuissantes, une précarisation des plus pauvres et un urbanisme qui ne cesse de dévorer les espaces, et un Metaverse cyberespace qui tend à devenir un monde à part entière (à quand l’application de la déclaration d’indépendance du cyberespace par John Perry Barlow ?), il est vrai qu’on s’y croirait…

Car une fois dépouillé de ses oripeaux les plus extravagants, ce qui reste du cyberpunk, la substantifique moelle, semble avoir prédit un certain nombre de choses avec acuité. Et pour cela, Yannick Rumpala utilise nombre d’exemples directement tiré des romans les plus connus du genre cyberpunk. Oui, romans car il n’est ici question que de l’aspect purement littéraire du cyberpunk (sauf très rares exceptions). Par ailleurs, le corpus est volontairement limité au « coeur » du cyberpunk. Exit donc le « post-cyberpunk » des années 90 (et ultérieures), il s’agit ici de se concentrer sur les oeuvres phares, celles qui ont « fait » le cyberpunk. Pour l’essentiel, la première trilogie de William Gibson (« Neuromancien », « Comte Zéro », « Mona Lisa s’éclate »), un peu de Walter Jon Williams, un peu de Bruce Sterling, un peu de Pat Cadigan, un tout petit peu de Lewis Shiner, de Rudy Rucker ou John Shirley, plus quelques autres. On peut le regretter, mais c’est un choix qui se tient.

Le résultat est un essai dense, très documenté, très érudit, parfois un poil ardu, mais toujours passionnant, démontrant que la SF peut-être un objet d’étude remarquable et pertinent sur l’évolution de notre société (mais qui en doutait ?), en plus bien sûr de ses qualités purement romanesques. Pour qui s’intéresse de près au cyberpunk et souhaite le « disséquer », « Cyberpunk’s not dead » est évidemment chaudement recommandé.

 

Lire aussi les avis de TmbM, Lucie, Faustine.

 

  
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