La cité des ténèbres, de Léon Groc

Posted on 11 avril 2022
Retour au merveilleux-scientifique avec un roman de Léon Groc écrit en 1926, une époque où un homme à la carrière respectée et respectable (journaliste, Groc finira sa carrière en tant que chef des informations de nuit au Figaro, tout en étant vice-président de la Société des Gens de Lettres et officier de la Légion d’Honneur) pouvait, sans honte et sans craindre l’opprobre de « l’élite culturelle », écrire des romans populaires de ce qui ne portait pas encore le nom de science-fiction.

 

Quatrième de couverture :

En creusant un tunnel sous la Méditerranée, une expédition met à jour d’antiques cavernes menant aux profondeurs de la Terre. Au cours d’un aventureux périple, les scientifiques découvriront des civilisations oubliées, des énigmes géologiques et même des dinosaures, jusqu’à atteindre la Cité des ténèbres !

Suspense, dangers, énigmes et découvertes : tout le charme puissant d’un certain « merveilleux scientifique », dans un classique de 1926.

 

La Terre creuse de Léon Groc

Digne représentant de la catégorie des Terres creuses, à l’instar des célèbres « Voyage au centre de la Terre » de Jules Verne et « Le monde perdu » de Arthur Conan Doyle, « La cité des ténèbres », sans faire vraiment d’éclats mais sans aucune tare non plus, parvient facilement à atteindre son but : divertir, avec son récit dynamique et parsemé d’embuches et de situations problématiques desquelles les protagonistes doivent tout faire pour tenter de s’échapper, sous la houlette d’un ingénieur ingénieux (!!) et sur lequel l’expédition involontaire dans ce monde souterrain ne manque pas de se reposer. En cela, on pourrait placer le roman de Léon Groc dans la droite lignée du (et des) récit(s) de Verne, lui qui plaçait souvent la science et la technique en fers de lance de ses récits.

Le point de départ de l’histoire vient d’un riche excentrique, Jérôme Bricardi, qui, pour éviter d’avoir à prendre l’avion ou le bateau pour relier le continent  à sa Corse chérie, décide de creuser un tunnel sous la Méditerranée. Projet pharaonique mené par un ingénieur génial ayant développé pour l’occasion une perforatrice inédite. Au gré de quelques péripéties amenant un journaliste à s’intéresser à l’affaire de près, et accompagné de quelques autres personnages variés, la petite troupe s’en va voir où en est rendue cette excavatrice exceptionnelle, alertés de plus par des signes bizarres que la logique ne peut que réfuter. Et finalement, suite à un éboulement et une inondation, c’est la chute vers le centre de la Terre, vers une Terre creuse que personne n’imaginait. Peuplée d’une civilisation adaptée et antre de biens des dangers. Comment retourner à la surface ? C’est là toute la question.

Dès lors, par un retournement de commandement dans une situation où l’argent de Bricardi ne lui permet plus d’exercer une quelconque autorité, c’est l’ingénieur Fortier qui devient, avec l’aval des autres « naufragés en Terre creuse », le nouveau chef de l’expédition, régulièrement soutenu par l’érudition salvatrice du philologue Clément-Martin (qui pratique le chaldéen à l’écrit comme à l’oral !) Et aux dangers et autres découvertes incroyables succèderont d’autres dangers et découvertes incroyables.

Même si le texte a été retravaillé par Léon Groc quelque temps après sa première parution, on sent clairement l’aspect feuilletonesque d’origine. Le roman s’en trouve ainsi très rythmé, ne relâchant jamais la pression sur les personnages, ne leur laissant aucun répit. Cela pourrait paraître fatiguant mais la relative brièveté du texte (280 pages assez aérées en poche) permet d’éviter cet écueil.

Il en ressort un texte qui se lit très facilement aujourd’hui, plaçant la science au premier plan (malgré quelques éléments forcément très désuets de nos jours), où l’ingéniosité des ses personnages (dont une femme, dont le rôle n’est pas primordial mais qui est parfaitement intégrée à une compagnie pour le reste très masculine), y compris de ceux qui semblent de prime abord moins « intellectuels » et/ou manuels que le philologue Clément-Martin et l’ingénieur Fortier, permet de se sortir de biens des situations épineuses. Dosant avec justesse humour et action, ne négligeant pas quelques réflexions (parfois bien de leur temps toutefois…), « La cité des ténèbres » est, sans atteindre la grandeur de ce qu’on pu présenter Maurice Renard, Jacques Spitz (lisez « L’oeil du purgatoire » !!) ou Régis Messac, un autre digne représentant du genre que l’on appelait alors le merveilleux-scientifique.

 

  
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