Au royaume des vivants, de Emmanuel Quentin

Posted on 10 mai 2022
Deuxième lecture d’un texte d’Emmanuel Quentin après la très bonne nouvelle « Céder la place ». Ici, on passe de la nouvelle à la novella avec « Au royaume des vivants » (dédicacé au festival L’Ouest Hurlant à Rennes dont je dois encore faire un petit résumé, et qui a donc fait remonter l’ouvrage tout en haut de ma PAL), toujours dans l’agence de voyages littéraires des éditions 1115. Et comme on va le voir, il va en être question, de voyages.

 

Quatrième de couverture :

Dans un futur plus ou moins proche, pour aller d’Hanoï à Rio de Janeiro en quelques minutes à peine, il suffit d’emprunter le réseau mondial des téléporteurs. Simple, pratique, abordable. Désormais, tout le monde peut franchir les océans en traversant une porte. Tout le monde, sauf les personnes du groupe sanguin AB négatif, et ce bien qu’aucune science ne soit capable d’expliquer pourquoi. C’est ainsi. Dominique Serin, enquêteur privé de son état, ne peut pas se téléporter. Pourtant, ça lui serait fort utile pour résoudre ces cas de disparitions qui l’obsèdent depuis des années. Car là encore, la science a échoué à résoudre le mystère de ces disparitions. Vraiment, il se passe des choses étranges au royaume des vivants.

 

Il y a quelque chose de pourri…

Dominique Serin est un détective privé qui voit débouler dans son bureau une femme qui cherche à confondre son mari, dont le comportement parfois étrange lui fait penser qu’il la trompe. On imagine tout de suite Serin, la clope au bec, enfiler son vieil imper’ froissé et mettre son chapeau en feutre pour aller enquêter dans les rues sombres et battues par la pluie.

Sauf que l’hommage au polar, aussi assumé soit-il, ne doit pas devenir un cliché, et ce n’est donc pas comme cela que ça se passe. Tout d’abord, et là on passe de la case polar à la case SF, des portails de téléportation existent et permettent de voyager instantanément un peu partout dans le monde, pour tout le monde. Ou presque, puisque les personnes au groupe sanguin AB négatif ne peuvent pas utiliser ces portails, sous peine de danger de mort, sans que la science ne parvienne à expliquer ce « désagrément ». Dominique Serin est dans ce cas.

Ensuite, Serin, pour faire plaisir à Gladys, une ancienne cliente avec laquelle il est lié d’une manière bien particulière qui remonte à une ancienne enquête, a à sa charge un apprenti, Gontran, neveu de Gladys. Cette dernière a demandé au détective de le former, y compris en l’envoyant sur le terrain.

Cette nouvelle affaire, a priori simple, est l’occasion rêvée pour Gontran et ce sera le moyen pour Serin de faire d’une pierre deux coups : d’une part se débarrasser momentanément de son jeune apprenti inexpérimenté et un brin sans gêne en l’envoyant aux quatre coins du monde (Hanoï, Rio de Janeiro, Rome, vous la voyez la thématique du voyage chère aux éditions 1115 ? 😉 ), en le faisant suivre tout de même par une amie ancienne policière (on ne sait jamais, il ne s’agirait pas de faire capoter l’enquête !), et d’autre part pouvoir revenir sur d’anciennes affaires non résolues qui n’ont pas cessé de l’obséder.

On suit donc en parallèle Gontran via les rapports qu’il envoie à Serin (avec des cartes postales reproduites dans le livre, une jolie touche d’authenticité et d’originalité) et le détective qui tente de découvrir de nouvelles informations sur des affaires non résolues. Evidemment, il y aura un petit quelque chose pour lier tout ça, aboutissant à une conclusion renversante. Dans le genre inattendu, elle se pose là ! Elle demandera certes une bonne dose de suspension d’incrédulité mais elle a un petit côté « Twilight zone » tout à fait agréable. Reste à savoir si son côté un peu rétro-SF convaincra tout le monde…

Côté personnages, le duo SerinGontran (en mode épistolaire ou non) fonctionne bien, jouant sur le décalage entre le vieux roublard hypocondriaque un peu has-been (une expression elle aussi has-been ! 😀 ) et le jeune apprenti fougueux, sans gêne et un brin gaffeur. Classique mais efficace.

Le récit mêle donc enquête, humour et moments plus graves ou intimes (avec cette relation SerinGladys quelque peu malsaine…), des styles différents dans lesquels la plume d’Emmanuel Quentin se révèle toujours à l’aise. Le tout se lit très bien, et le lecteur s’amuse à tenter de découvrir où l’auteur l’emmène. Les multiples indices, qu’ils soient détectés ou non (on prend plaisir à y revenir une fois le fin mot découvert), finissent par faire sens dans cette fameuse conclusion surprenante et tout à fait… Chut ! Je n’en dirai pas plus. 😉 D’autant que, comme avec « Céder la place », on peut ensuite tout imaginer. Et j’aime les fins ouvertes (ou semi-ouverte dans le cas présent, car l’enquête a une conclusion).

En résumé, « Au royaume des vivants » se révèle être une novella très agréable, sans cesse relancée, dynamique, avec de belles touches d’humour, aboutissant dans une conclusion étonnante. C’est ce qu’on appelle un voyage réussi.

 

Lire aussi les avis de Yogo, Lune.

 

  
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