Sur la route d’Aldébaran, de Adrian Tchaikovsky

Posted on 4 juillet 2022
Après l’excellent « Dans la toile du temps » et ses araignées, et le très bon « Chiens de guerre » et ses animaux cybernétiques (et alors que j’ai étonnamment raté l’encensé « Dans les profondeurs du temps », un prolongement du premier cité, pour des raisons que j’ignore…), Adrian Tchaikovsky revient en France avec la novella « Sur la route d’Aldébaran », dans la collection « Une heure-lumière » des éditions du Bélial’. Plus court certes, mais meilleur ou moins bon ?

 

Quatrième de couverture :

Aux confins du Système solaire, la sonde spatiale Kaveney découvre… quelque chose — une structure fractale gigantesque dotée d’une propriété étonnante : elle semble présenter la même face quel que soit l’angle sous lequel on l’observe. Vite surnommé le Dieu-Grenouille en raison de son apparence vaguement batracienne, l’artefact fascine autant qu’il intrigue, d’autant que son origine non-humaine ne fait guère de doute. Face à l’enjeu majeur que représente pareille trouvaille, un équipage international de vingt-neuf membres est constitué. Avec pour mission, au terme d’un voyage de plusieurs dizaines d’années dans les flancs du Don Quichotte, de percer les mystères du Dieu-Grenouille. Or, ce qui attend ces ambassadeurs de l’humanité défie tous les pronostics. Toutes les merveilles. Toutes les horreurs…

 

Yellow brick labyrinth !

La sonde Kaveney, censée chercher la neuvième planète de notre système solaire, celle qui provoque certaines perturbations gravitationnelles, finit par découvrir autre chose. Un objet mystérieux. Vraisemblablement pas naturel. Avec des orifices insondables qui le font ressembler à une tête de grenouille. Et un vaisseau stationné à proximité. Avec un tel mystère à nos portes, toutes proportions gardées hein (on est là bien au-delà de l’orbite de Pluton), l’humanité ne peut faire autrement qu’aller y voir de plus près.

« Sur la route d’Aldébaran » est le récit de Gary Rendell, astronaute à bord du Don Quichotte, parti explorer, en compagnie d’une presque trentaine de camarades de diverses origines, cet étrange artefact qui semble défier la physique. Un récit un peu particulier puisque le premier chapitre, à la première personne, nous montre un Gary Rendell perdu, seul, errant dans les couloirs labyrinthiques de l’artefact depuis un temps indéfini mais que l’on devine plutôt long. Un Rendell que l’on sent un peu « bizarre » d’ailleurs. Le chapitre suivant nous narre la découverte de l’artefact par la sonde Kaveney et les réactions des différentes agences spatiales et des gouvernements.

Le reste du texte suit ce schéma narratif : alternance de Rendell au présent dans son errance solitaire, et de l’Histoire globale et du développement de la mission pour atteindre l’artefact dans le passé. Jusqu’à la rencontre des deux trames bien sûr. Mais il y a aura quelques surprises en chemin, quelques rencontres (et on retrouve le goût de l’auteur pour les créatures radicalement différentes de l’humanité), quelques étranges phénomènes physiques, d’autant qu’Adrian Tchaikovsky s’amuse avec ce récit qui mélange SF spatiale, horreur cosmique, et humour noir, bien noir. C’est à la fois drolatique (si on aime le genre), horrifique et terriblement cynique. Un mélange surprenant, mais que l’auteur maîtrise très bien.

Par ailleurs, Tchaikovsky truffe son récit de références, depuis le lecteur auquel le narrateur s’adresse en le nommant Toto (comme le chien de Dorothy dans « Le magicien d’Oz », l’artefact devenant de fait la yellow brick road de Gary Rendell), en passant par Lovecraft, Arthur C. Clarke, Star Trek, Alien, les jeux de rôles (porte-monstre-trésor, sauf que là il n’y a pas de trésor, à moins que… 😉 ), jusqu’à la mythologie grecque (le labyrinthe et son Minotaure bien sûr, où l’on s’amusera à retrouver les rôles de Thésée, d’Icare et du Minotaure lui-même, avec un fil d’Ariane bien particulier) et bien d’autres que les plus attentifs (ou les plus connaisseurs) s’amuseront à trouver.

« Sur la route d’Aldébaran » (traduit par Henri-Luc Planchat), en ménageant efficacement son suspense, retient donc l’attention du lecteur, en jouant à la fois sur quelques éléments « modernes » de SF à même de jouer avec le sense of wonder et sur d’autres aspects plus old-school, en forme d’hommage à certains « Grands Anciens » de la SF (avec un bestiaire Lovecrafto-SF pas très accueillant), tout en prenant le schéma classique à l’envers (mais ça, vous le comprendrez en lisant le texte), avec une bonne dose d’humour très noir et d’horreur très… horrifique !

Allez donc vous perdre dans ce labyrinthe extraterrestre, vous n’en reviendrez pas (au propre comme au figuré ! 😉 ).

 

Lire aussi les avis de Gromovar, Lune, Xapur, Feyd-Rautha, Ted, Stéphanie Chaptal, Yogo, Célindanaé, Ombre Bones, Soleil vert, Nicolas, Hellrick, Yossarian, Fourbis et Têtologie

Chronique écrite dans le cadre du challenge « Summer Star Wars – Obi-Wan Kenobi », de Lhisbei.

 

  
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