Cyberpunk : Edgerunners

Posted on 6 octobre 2022

Après un lancement pour le moins compliqué en 2020, le jeu vidéo « Cyberpunk 2077 », qui promettait monts et merveilles avant sa sortie et qui a dû affronter l’ire de nombreux joueurs suite aux montagnes de bugs qui l’ont sérieusement handicapé, a fini par s’imposer à coup de patchs et de correctifs variés. Un suivi sérieux effectué par le développeur et éditeur CD Projekt Red, qui lui permet maintenant de pouvoir faire vivre cette franchise (héritée du jeu de rôle créé par Mike Pondsmith, notamment connu pour sa seconde édition de 1988, « Cyberpunk 2020 », le jeu vidéo en étant une suite chronologique, plusieurs dizaines d’années plus tard) sur d’autres médias, en l’occurrence ici sur Netflix.

 

   

 

Il y a eu des comics (« Trauma team » plus quelques autres non traduits en français), un beau livre sur le background (« Le monde de Cyberpunk 2077 »), et il y a maintenant une série animée, nommée « Cyberpunk : Edgerunners ». C’est le studio japonais Trigger qui s’est chargé de cette adaptation, qui n’en est d’ailleurs pas vraiment une. Parlons plutôt ici d’un spin-off situé dans l’univers du jeu, puisque si les lieux restent évidemment les mêmes (la ville de Night City), les personnages sont différents, l’action de la série se déroulant d’ailleurs un an avant celle du jeu vidéo.

 

   

 

Je ne suis pas un spécialiste des animés japonais, mais je connais le studio Trigger pour avoir vu, et adoré, la série « Gurren Lagann », un chef d’œuvre d’aventures futuristes post-apocalyptiques à base de méchas, sorti en 2007, qui commence doucement, à petite échelle, et qui se termine en apothéose cosmique à coup de galaxies balancées dans la gueule. Un grand souvenir, que je vous recommande très chaudement au passage.

 

   

 

Donc Trigger, c’est un peu ça, un studio qui fait dans le grand-huit spectaculaire, qui ne se fixe guère de limites, sans toutefois oublier de placer aussi quelques passages émouvants. Replacé dans le contexte cyberpunk du jeu vidéo « Cyberpunk 2077 », ça pourrait donc fonctionner.

 

   

 

Et le moins qu’on puisse dire, c’est que oui, mille fois oui !! J’ai pris un plaisir fou à regarder ce « Edgerunners », magnifique spin-off et superbe illustration d’un jeu auquel je n’ai jamais joué (et ce n’est pas l’envie qui me manque…) et qui représente un peu l’idéal de ce que je m’imagine d’un univers cyberpunk moderne qui n’oublie pas ses origines typiques des années 80 : violent, radical, coloré, technologique, connecté, miséreux, éclairé au néon. Tout y est, dopé aux amphétamines et surtout, surtout, soutenu par des personnages touchants auxquels on s’attache rapidement.

 

   

 

Mais avant d’aller plus loin, bref retour sur le pitch de la série. On suit donc David Martinez, jeune paumé pour lequel sa mère est prête à tout pour le faire sortir des bas-fonds de Night City. Elle l’inscrit donc, malgré des frais de scolarité très élevés, à l’Académie Arasaka, prestigieuse école dérivée de la méga-corporation du même nom, garantissant de jolis débouchés. Mais David ne s’y sent pas bien, et ses camarades lui font bien ressentir qu’il n’est pas le bienvenu dans une école plutôt réservée aux plus aisés. Brimades, humiliation, etc… Le schéma classique. Et puis le drame frappe : sa mère est tuée dans un accident de la route (dans un échange de tirs entre bandes rivales, la routine à Night City…), et David hérite donc de ses affaires personnelles, dont un étonnant implant militaire très puissant qui n’a a priori rien à faire là. De fil en aiguille, il va se faire installer cet implant puis engager dans une équipe de mercenaires, ces fameux edgerunners, dont fait partie la mystérieuse Lucy, hackeuse talentueuse, qui rêve d’aller sur la Lune.

 

 

 

On voit donc déjà une misère sociale, une violence omniprésente, un monde dominé par les plus riches et les méga-corporations plus puissantes que les gouvernements, des implants cybernétiques, des groupes de mercenaires, des hackeurs informatiques. Tous les ingrédients du cyberpunk sont réunis pour un cocktail réussi.

 

   

 

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Trigger a trouvé la recette parfaite : une série courte (10 épisodes de 25 minutes), tendue, en constante accélération, une montée en puissance radicale (assez proche de celle d’un « Breaking bad » en un sens…), sans aucune concession, implacable. L’action est très présente, très violente et explicite graphiquement, notez-le bien : le sang gicle, les têtes explosent, les membres tombent… De ce point de vue (auquel il faut aussi ajouter le sexe et la nudité), la série n’est sans doute pas à mettre entre toutes les mains. Mais il ne faut pas s’arrêter à ça, car si cette violence fait partie intégrante d’un monde cyberpunk ravagé par la misère sociale, ce sont surtout les personnages et leur évolution qui donnent toute sa saveur à la série.

 

   

 

Entre David lui-même, paumé qui met le doigt dans l’engrenage d’un gang qui va le mener très loin, en usant et abusant des implants cybernétiques, Lucy, jeune fille au passé difficile mais qui continue de rêver, Maine, le meneur du groupe et mentor de David, ou bien Rebecca, jeune fille optimiste et spécialiste des armes lourdes, capable de plonger dans une colère noire et dévastatrice (un personnage qui a conquis plus d’un spectateur…), ils sont tous à leur niveau particulièrement touchants, attachants et ce sont bien eux, et leur destin (avec en point de mire pour David, cette « cyberpsychose », élément propre à l’univers du jeu de rôle « Cyberpunk », qui touche ceux qui s’implantent trop de « chrome » et finit par les rendre fous), qui portent la série.

 

   

 

On tient donc là un animé qui est tout autant « drivé » par son univers que par ses personnages, deux gros bons points. Esthétiquement, si on excepte quelques éléments causés par une nécessité de diminuer les coûts (quelques passages statiques), c’est une franche réussite, entre volontaire exagération des furieux affrontements (« Matrix » n’est pas loin d’une certaine manière), et mise en scène avec écran splitté ou intégration d’éléments de communication, en plus d’offrir un monde très coloré, à l’image du jeu vidéo duquel la série est issue. Un jeu auquel il n’est d’ailleurs absolument pas nécessaire d’avoir joué pour comprendre les règles qui régissent cet univers, l’exposition des éléments nécessaires à sa compréhension étant habilement présentée au fil d’une narration très efficace.

 

   

 

Et pour parfaire le tout, on ajoute une bande-son au poil (qui reprend certaines des musiques du jeu), toujours dans le ton, complétant parfaitement l’illustration de l’univers de « Cyberpunk 2077 » par le studio Trigger.

 

 

 

Rythmé, radical, coloré, tout autant cyber que punk, ultra violent, mais aussi (et surtout ?) régulièrement touchant, émouvant (bouleversant ? Aaaaah, cette fin qui en a traumatisé plus d’un…), « Cyberpunk : Edgerunners » offre un spectacle réjouissant, qui ne se pose aucune limite, et qui, en s’intéressant au pouvoir des plus riches, à la technologie et à l’ascendant qu’elle prend sur l’humain, m’a captivé du début à la fin (et il faut aussi souligner la qualité du doublage VF, très réussi). Je ne suis d’ailleurs pas le seul, il suffit de voir les réactions des spectateurs sur les réseaux sociaux, très largement positifs et hurlant de dépit à l’issue du dernier épisode, ou les nombreux cosplays déjà réalisés, un signe qui ne trompe pas. On en aurait bien repris une petite rasade supplémentaire avec quelques épisodes en plus, mais on se contentera de ce shot d’adrénaline de 10 épisodes, parfaitement maîtrisé. Du grand art.

 

   

 

  
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