Lire J.R.R. Tolkien, de Vincent Ferré

Posted on 24 mars 2023
Un essai ça va, deux c’est mieux ! Après « J.R.R. Tolkien, auteur du siècle » de Tom Shippey, attaquons-nous à la face française de la montagne d’études sur Tolkien avec « Lire J.R.R. Tolkien » de Vincent Ferré, grand spécialiste francophone de l’auteur anglais, que l’on avait déjà vu aux commandes du « Dictionnaire Tolkien ».

 

Quatrième de couverture :

Comment Tolkien aurait-il jugé les adaptations cinématographiques de son œuvre ? Pourquoi le roi Arthur est-il caché au cœur de son univers fictionnel ? Qui a écrit Le Seigneur des Anneaux, dont l’histoire se déroule… avant même l’invention de l’écriture ? Túrin est-il le frère de Tristan ? Que lire de Tolkien, lorsque l’on a aimé Le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux ? Pourquoi a-t-il marqué si durablement J.K. Rowling et G.R.R. Martin ?

Ce livre propose quelques clés pour comprendre la création de la Terre du Milieu – dont l’imaginaire s’appuie sur une connaissance parfaite de textes médiévaux –, mais aussi pour mieux apprécier la fantasy moderne, qui doit tant à Tolkien !

Une invitation, faite à tous, amateurs ou non, de lire J.R.R. Tolkien.

 

Une introduction à l’analyse de l’oeuvre de Tolkien

Dans le même axe que « J.R.R. Tolkien, auteur du siècle » de Tom Shippey, c’est-à-dire analysant les écrits de Tolkien et leur impact sur plusieurs plans, « Lire J.R.R. Tolkien » (recueil d’articles publiés auparavant sur différents supports) de Vincent Ferré, s’adressant plus particulièrement à un lectorat français avec quelques chapitres dédiés à Tolkien et la France, tente une approche relativement « grand public » pour donner le goût à ceux qui, par exemple, auraient découvert Tolkien via les films de Peter Jackson, d’aller à la source, c’est-à-dire aux textes eux-mêmes. Mais il s’adresse aussi aux amateurs éclairés qui souhaiteraient approfondir leurs connaissances via des analyses comparées avec certaines œuvres médiévales.

Ce double aspect est à la fois la force et la faiblesse du livre, car il le situe sur deux niveaux qui, peut-être, se rejettent un peu l’un l’autre. Non pas qu’un débutant soit incapable de suivre les chapitres un peu plus complexes (en troisième partie, certains sont un peu « corsés »…), mais disons qu’avant de s’y frotter il faudrait avoir lu les œuvres en question. Et puisque le livre, c’est écrit en quatrième de couverture, incite à lire Tolkien, il faudrait alors pour le lecteur lire les deux premières parties, puis passer aux textes de Tolkien, avant de revenir sur l’analyse plus approfondie et axée sur l’aspect médiéval de la troisième partie. Pas sûr que ce cheminement soit suivi par beaucoup…

Ceci étant dit, « Lire J.R.R. Tolkien » ne manque pas d’attraits. La première partie s’intéresse à ce qui fait de Tolkien un auteur si particulier, en s’arrêtant notamment (peut-être un peu longuement…) sur cette fameuse mise en abyme entre le récit du « Seigneur des anneaux » lui-même (mais pas seulement) et le cadre fictif (qui se donne pour mission de ne pas être fictif justement) du « Livre Rouge de la Marche de l’Ouest », mais aussi bien évidemment sur le côté philologue et amoureux des langues de Tolkien, une caractéristique indissociable de son travail d’auteur. Un chapitre revient également sur le titanesque travail de Christopher Tolkien, qui s’est totalement effacé derrière l’œuvre de son père tout en lui assurant un rayonnement inaltéré.

La seconde partie, sur la postérité de Tolkien, sans doute la plus accessible des trois que propose le livre, revient sur la « saga » des différentes adaptations (ou tentatives d’adaptations) de l’œuvre de l’auteur. Bakshi, Jackson bien sûr (avec un début de critique positive de « La Communauté de l’Anneau », la suite semblant se gâter quelque peu mais on n’en saura pas plus, faute de l’existence des critiques des films suivants) , mais aussi un certain « Z » dont le scénario de 1958 est proprement vilipendé par Tolkien lui-même…

Le chapitre consacré à la fameuse question de savoir si Tolkien est un auteur pour la jeunesse est un grand classique mais il mérite de figurer dans un livre qui prétend aborder les grandes livres de l’œuvre de l’écrivain, d’autant que la réponse n’est pas aussi simple qu’il y paraît.

A travers deux chapitres, Vincent Ferré aborde la réception de l’œuvre de Tolkien, spécifiquement en France. Deux chapitres donc, le premier pré-Jackson, le second post-Jackson. Cela n’a bien sûr rien d’anodin, mais c’est l’occasion de constater que si la trilogie cinématographique marque un tournant, la critique a pourtant été assez largement positive avant cela, y compris chez certaines « élites intellectuelles » au moment de la première traduction française, dans les années 70, sans pour autant que le secteur universitaire ne s’en empare par la suite, puisque sur ce point tout se passe essentiellement dans la période post-Jackson (aidé par l’essor d’Internet et l’intérêt du grand public suscité par la trilogie du réalisateur néo-zélandais).

La troisième partie, clairement la plus pointue de l’ensemble, fait la part belle à l’analyse littéraire, sous l’angle médiéval. Les deux premiers chapitres s’intéressent aux personnages d’Aragorn, Beren et Túrin et au thème de l’amour, essentiellement tragique (quoique pour Aragorn cela puisse se discuter) puisque mis en relation avec l’œuvre médiévale « Tristan et Yseut ». Alors oui on entre ici dans le dur, il faut s’accrocher et si possible maitriser un peu « Tristan et Yseut »… J’ai dû faire appel à mes souvenirs de jeunesse, et aussi je l’avoue à Wikipédia (pas pensé à demander à ChatGPT, ça aurait pu être intéressant…). Ardu mais sacrément intéressant.

Les deux autres chapitres convoquent le Arthur de la légende pour aborder la figure du roi, sous plusieurs formes. On a alors ici une lecture plus politique de l’œuvre de Tolkien. Pas simple là non plus mais encore une fois passionnant.

Cours mais dense, c’est ainsi que l’on pourrait définir ce « petit » livre (par la taille, 340 pages en poche, bibliographie et références comprises), qui boîte peut-être un peu de par son positionnement trop incertain mais qui offre tout de même largement de quoi satisfaire sa soif de connaissances de l’œuvre de l’auteur du « Seigneur des anneaux ». Espérons qu’il atteigne son but : faire lire J.R.R. Tolkien.

 

Lire aussi les avis de Nebal, Spooky.

 

  
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