Lignées sanglantes, de Chris Wraight

Posted on 2 mai 2023
Encore du « Warhammer 40 000 ». Oui je sais. Vous vous dites que ça va encore faire pan-pan-boum-boum avec plein de gros gars en armure qui dézinguent de l’extraterrestre ou de l’hérétique à tout va… Figurez-vous que vous vous trompez totalement ! Car oui, « Lignées sanglantes » de Chris Wraight change la donne. Premier volume de la collection « Warhammer Crimes », ce roman déliasse les grandes armées de l’Imperium pour s’intéresser à un flic sur une planète tout ce qu’il y a de plus classique. « Lignées sanglantes » est un polar SF un peu cyberpunk, et il est en plus plutôt pas mal.

 

Quatrième de couverture :

Dans l’immense cité de Varangantua, la vie ne vaut pas cher mais les erreurs se paient au comptant. Quand le Probator Agusto Zidarov des forces de l’ordre locales reçoit pour mission de retrouver l’héritier d’une riche famille, il sait que les chances de le retrouver vivant sont maigres.

Las, les gens qui exigent des réponses sont aussi puissants qu’impitoyables, et il doit bientôt naviguer dans un monde de cartels du crime et de guerre entre corporations où sa survie n’a rien de garantie. Sa piste le conduit toujours plus loin dans les bas-fonds, et lui révèle des secrets que gardait quelqu’un au bras long.

Alors que les mailles du filet se resserrent sur lui comme pour sa cible, il se heurte aux extrémités auxquelles certains sont prêts pour sauver leur peau…

 

Un flic dans une cité-ruche

Oubliez les forces du Chaos, oubliez les space-marines, oubliez même les voyages spatiaux et les guerres pour la suprématie galactique, « Lignées sanglantes » se passe sur Alecto, une planète à peu près « normale » (autant que ça puisse l’être dans l’univers de « Warhammer 40 000 », donc une planète surpeuplée, à l’environnement ultra dégradé, avec des villes tentaculaires de plusieurs milliards d’habitants où la survie, quand on ne fait pas partie des quelques privilégiés dont l’indécence n’a d’égale que la volonté de s’enrichir toujours plus sur le dos des plus pauvres, est un défi quotidien), sans jamais quitter le plancher des vaches, et dont les enjeux n’ont rien de galactiques puisqu’il s’agit pour Agustin Zidarov, flic dans un des districts de la ville de Varangantua, de retrouver le fils d’une richissime femme d’affaires.

Mais évidemment, derrière cet enlèvement, voire même ce crime puisque la question se pose rapidement, se pose la question de savoir pourquoi une femme aux moyens démesurés, c’est à dire largement au dessus de ce que la police pourrait lui offrir, décide de faire appel aux autorités ? Comme dans tout bon roman noir/polar (et en cela comme dans tout le reste, « Lignées sanglantes » ne réinvente rien, mais ce qu’il fait il le fait bien), les choses ne seront pas ce qu’elles semblent être, et l’enquête de Zidarov va l’amener à mettre le nez dans des affaires sordides aux implications glaçantes…

Rien d’original donc, en effet, d’autant que là encore le roman se découpe entre phases d’enquête, moments plus rythmés, instants de révélation, et intermèdes plus intimistes sur la vie de ce flic un brin désabusé (faisant partie de ce que l’on pourrait appeler la classe moyenne de la population d’Alecto, avec un appartement petit mais correct, une femme et une fille, dont le couple vivote et l’enfant est en phase de rébellion). Intimistes oui. Ce mot mis à côté de « Warhammer 40 000 », s’agissant d’un membre des forces de l’ordre tout ce qu’il y a de plus ordinaire, fait se demander si on ne s’est pas trompé de livre. Pourtant non. Et c’est tant mieux.

Car d’une part, l’enquête est efficace et l’univers décrit plutôt accrocheur (assez typé cyberpunk au fond, dans une ambiance à la « Bladerunner » avec son lot de gadgets propres au genre, tout en étant assez éloigné de ce qui fait l’ADN de « Warhammer 40 000 », ce qui le rend tout à fait lisible par un pur néophyte, alors que les amateurs de cet univers se délecteront de quelques références discrètes, chose aussi valable pour le personnage de Zidarov lui-même dont le comportement pourrait être susceptible d’intéresser d’autres types d’autorités que la « simple » police de Varangantua, mais ceci fera certainement l’objet d’un roman ultérieur) et d’autre part Agustin Zidarov ne manque pas d’intérêt. C’est un personnage avec ses failles, ses problèmes, ses petits plaisirs aussi, et il apporte un vrai relief au roman, si on aime ce genre de protagoniste sans doute assez archétypal.

Et donc il va devoir naviguer entre indices, fausses pistes, retournements complets, renseignements amicaux, manipulation (de lui-même mais aussi de bien plus…) pour parvenir à une conclusion claire et bien amenée, et surtout résolument douce-amère, avec un brin de cynisme qui, là pour le coup, sied parfaitement au ton de l’univers « Warhammer 40 000 ».

Et on se retrouve donc avec ce roman surprenant car sur un secteur que l’on attendait pas concernant « Warhammer 40 000 » (polar noir cyberpunk), mettant en avant la vie sur une planète surpeuplée (et il s’agit bien de la vie du commun des mortels dont les actions de l’Imperium, au niveau galactique j’entends, ne les concernent pas tant ils en sont éloignés, pas la vie de super soldats comme les space-marines), avec pour « héros » un flic middle-class tiraillé entre sa vie professionnelle qui lui prend trop de temps (elle-même devant s’accommoder de tout un tas de petits arrangements avec le crime organisé pour garantir un semblant de paix sociale) et sa vie personnelle qui lui file trop vite entre les doigts. Très accrocheur, « Lignées sanglantes » montre une nouvelle fois que sans jamais prétendre révolutionner quoi que ce soit, certaines des parutions romanesques de la série « Warhammer 40 000 » ont largement de quoi satisfaire le lecteur de SF « moyen », même sans connaître cet univers si vaste qu’il en devient intimidant. Bravo !

 

  
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