Fulgrim, de Graham McNeill

Posted on 28 avril 2023
Après le tome 6… le tome 5 ! Oui, bon, ne cherchez pas, c’est comme ça. Surtout que ça n’a aucun impact sur la compréhension de l’ensemble puisque le tome 6 est indépendant. J’ai d’ailleurs expliqué le pourquoi du comment dans l’article qui lui est dédié. Bon, le 6 n’était pas terrible, mais le 5 est d’un tout autre acabit…

 

Quatrième de couverture :

L’Hérésie d’Horus a commencé. Après le désastre d’Isstvan III, un vaisseau isolé fuit vers Terra, pour apporter la nouvelle à l’Empereur. S’il peut survivre jusque là. Alors qu’Horus rallie ses frères à sa bannière, les Emperor’s Children orchestrent leur propre chute… tandis que leur Primarque est entraîné à un acte si vile qu’il marquera son âme à jamais. Et sur le monde lointain de Caliban, les Dark Angels découvrent les secrets qui diviseront leur légion pour les millénaires à venir.

Cet omnibus rassemble trois romans et douze illustrations de l’Hérésie d’Horus, la série phare de la Black Library :

La Fuite de l’Eisenstein par James Swallow

Fulgrim par Graham McNeill

Le Retour des Anges par Mitchel Scanlon

 

La chute d’un primarque

Bon, il ne faudrait pas rester sur une mauvaise impression, avec le mitigé « Le retour des anges ». Heureusement, « Fulgrim », signé Graham McNeill (qui officiait déjà sur le tome 2, « Les faux dieux »), a une bien meilleure réputation et le fait est que c’est justifié. Comme son titre l’indique, il s’intéresse de près à Fulgrim, primarque de la légion de space-marines des Emperor’s Children, et au processus progressif qui le verra chuter vers les forces du Chaos et donc s’aligner avec Horus. Et justement, le basculement d’Horus, prenant pourtant le temps de s’étaler sur les trois premiers volumes de la série « L’Hérésie d’Horus », n’avait pas été pleinement satisfaisant, depuis le point de vue du lecteur. Ici, concernant Fulgrim, si ce changement de paradigme personnel achoppe encore quelque peu tant le retournement tient vraiment d’une volte-face complète en terme de pensée et de conscience, il parvient à être plus crédible, à la fois plus progressif et plus radical encore, puisque les forces du Chaos deviennent réellement tangibles, et même d’une certaine manière personnifiées en fin de récit. Mais j’y reviendrai.

Le roman, à l’image de « La fuite de l’Eisenstein », opère à nouveau un retour en arrière, prenant sa source, pour mieux déployer son propos, dans plusieurs zones de combat sur lesquelles interviennent les Emperor’s Children durant la Grande Croisade de l’Empereur. Autant de moments importants qui vont voir Fulgrim et sa légion tendre vers l’obscurité, au fil de petits évènements, apparemment anodins (le temple des Laers tout d’abord et son épée qui s’avèrera loin d’être insignifiante, puis la bataille spatiale, menée conjointement avec la légion des Iron Hands et son primarque Ferrus Manus, grand ami de Fulgrim, contre le Diasporex, et enfin la rencontre avec les Eldars et leur prophète Eldrad Ulthran sur Tarsus), qui vont pourtant mener au drame et à l’horreur décadente.

Les Emperor’s Children sont une légion brillante : peu nombreux à cause d’un problème génétique qui a affecté une bonne partie de l’effectif, les space-marines restants se sont astreints à un objectif extrêmement noble, rien de moins que la perfection. La perfection en tout : combat bien sûr, mais aussi l’art sous toutes ses formes. Car oui, ces space-marines sont des guerriers endurcis, comme tous les autres, mais sont aussi des amateurs d’art, ce qui nous change un peu des brutes sans cervelle nées pour combattre auxquelles nous sommes un peu trop habitués (même si chaque légion a ses spécificités, il faut quand même bien dire ce qui est : un space-marine ne trouve son bonheur que dans le combat).

Et voir cette légion de space-marines aristocrates (j’en veux pour preuve les loges qui existent aussi ici, comme dans les autres légions, à la différence que parmi les Emperor’s Children les loges ne sont ouvertes qu’aux officiers, pas aux soldats de base) arrogants et aux airs supérieurs tomber sous la coupe d’un démon du Chaos tel que Slaanesh, à l’hédonisme horrifique tout à fait adéquat au vu de l’état d’esprit de la légion, découle donc finalement d’un processus psychologique qui n’a rien d’un non-sens.

La progression narrative est d’ailleurs ici tout à fait satisfaisante, et si le roman peut paraître un peu long (et objectivement il l’est sans doute un peu trop, certaines péripéties auraient pu être raccourcies), c’est finalement pour affiner cette progression narrativo-dramatique vers l’obscurité qui, si elle a toujours un peu de mal à paraître parfaitement logique (selon nos critères d’êtres humains), peut au moins être qualifiée de cohérente au fil des évènements. Et la chute de Fulgrim n’en est que plus terrible (là où, dans « La fuite de l’Eisenstein », on ne sait pas comment ni pourquoi Mortation s’est rallié à Horus…), allant jusqu’à ce qui lui aurait pourtant auparavant paru inimaginable en affrontant l’un de ses frères, Ferrus Manus, le primarque des Iron Hands et son plus proche ami.

L’influence du chaos est palpable et prend de plus en plus de place au fil du récit, non seulement sur Fulgrim et sa légion, mais aussi sur tous les commémorateurs, « simples humains » qui accompagnent les Emperor’s Children et chargés de célébrer à travers l’art (sculpture, peinture, musique, chants…) les réussites de la légion, cette influence culminant dans une scène très marquante de célébration musicale virant à l’orgie décadente et meurtrière.

Dès lors, le Rubicon est franchi, même si on comprend bien qu’il avait été franchi sans le savoir depuis longtemps. Et l’association avec Horus donnera lieu, après le massacre d’Isstvan III déjà abordé dans « La galaxie en flammes » et « La fuite de l’Eisenstein », à un nouveau combat fratricide sur Isstvan V. Tout n’est certes pas totalement sombre, certains soldats gardent leur droiture et leur fidélité envers l’Empereur, tels Solomon Demeter et Saul Tarvitz (qui sont un peu les Garviel Loken et Nathaniel Garro des romans précédents), ce dernier ayant déjà été vu dans les récits antérieurs (ce qui me fait dire que si la saga avance assez lentement, il y a une certaine « science » narrative addictive à l’œuvre, reprenant certains personnages d’un roman à l’autre), mais l’ensemble est tout de même d’une noirceur assez rare, jusqu’à une conclusion qui impose un terrible point de non-retour et un désespoir total, alors que Fulgrim, le vrai Fulgrim, celui « d’avant », finit par s’effacer, volontairement d’abord pour se « laver » des horreurs qu’il a commises et dont il a pris conscience, avant de comprendre son erreur fatale, devant une force qui le dépasse. Un abîme de noirceur.

Porté par des scènes d’action intenses autant que par des moments d’introspection intimistes, le roman dresse le portrait d’un personnage marquant. Cultivé et sensible (du moins au début bien sûr…), Fulgrim a tout du personnage dramatique. Graham McNeill fait par ailleurs preuve d’une belle aisance s’agissant de décrire la lente déchéance du primarque et d’une légion pourtant promise à un avenir radieux, en n’hésitant pas à maltraiter ses personnages, c’est le moins que l’on puisse dire, même les principaux. Et à travers ce roman, c’est toute la série de « L’Hérésie d’Horus » qui démontre qu’elle a clairement le potentiel (dans le genre SF militaire) pour plaire à bien plus que les seuls amateurs du jeu de plateau « Warhammer 40 000 ».

 

Lire aussi l’avis de Nebal, Nicolas.

 

  
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