Zapping VOD, épisode 73, spécial Godzilla

Il n’aura pas échappé aux plus cinéphiles d’entre vous que la franchise « Godzilla » a accouché d’un nouveau film (« Godzilla Minus One »), du côté japonais de la chose, avec une pauvre petite distribution sur le territoire français de seulement deux malheureux jours. Je n’ai pas eu l’occasion de le voir mais ça m’a donné l’idée et l’envie de regarder les films « historiques » sur le plus célèbre des kaijūs, moi qui n’ai vu que des versions récentes (le film de Roland Emmerich en 1998, la version Gareth Edwards de 2014 et le reboot japonais « Shin Godzilla » de 2016). Attention, archéologie cinématographique en approche ! 😀

 

Godzilla, de Ishirō Honda

Daté de 1954 et réalisé par le talentueux Ishirō Honda, ce film marque le début de la franchise cinématographique la plus longue de l’histoire. Et ce n’est pas son seul mérite ! Car non content de révolutionner le cinéma d’effets spéciaux à l’époque, il n’oubliera pas au passage de proposer un vrai fond, avec une puissante métaphore de la bombe nucléaire, un terrible souvenir encore vif au Japon puisque le feu nucléaire a été déclenché moins de dix ans avant la sortie du film… Avec son ton assez sombre, qui ne s’économise pas de quelques images chocs (Tokyo qui n’est plus qu’un tas de ruines, ravagée par Godzilla, ou bien une mère et son enfant ensevelis sous un immeuble détruit par la créature, mais aussi le taux de radiation d’une petite fille mesuré par un médecin dont le visage ne laisse guère de doute quant à son destin…), « Godzilla » reste encore marquant de nos jours. Bien sûr, on regardera ces fameux effets spéciaux avec un oeil indulgent, voire amusé, il n’empêche que le fait de filmer au ralenti le comédien recouvert de son costume godzillesque en pleine destruction rageuse de maquettes urbaines construites avec soin fait toujours son petit effet.

Côté histoire, rien de renversant en soi : un monstre qui apparaît, ravageant certaines îles du Japon avant de débarquer dans la baie de Tokyo, accompagné d’une forte dose de radioactivité, laissant entendre qu’il est la conséquence du jeu dangereux que joue l’humanité avec l’énergie nucléaire (et le drame du thonier japonais Daigo Fukuryu Maru quelques mois avant la sortie du film ajoute au ressentiment des Japonais vis à vis de l’arme nucléaire). Il faut l’arrêter bien sûr, mais les moyens militaires ne semblent pas efficaces…

Film fondateur donc, éminemment politique tout autant que vrai film « d’action » pour l’époque que son âge canonique de presque 70 ans n’a toujours pas mis à terre (ne serait-ce que sur son propos puisqu’évidemment la technique accuse son âge), « Godzilla » (dont le noir et blanc et les scènes souvent nocturnes ne font qu’accentuer le ton ténébreux et désespéré du film et l’impuissance de l’humanité devant une chose réveillée par les essais nucléaires au devant de laquelle elle ne peut rien faire, à moins de créer une arme ultime au potentiel dévastateur, avec tout ce que cela implique, là encore vous voyez la référence…) mérite encore largement d’être vu ou revu. Culte.

 

Le retour de Godzilla, de Motoyoshi Oda

Faisant suite au premier « Godzilla » et sorti seulement six mois plus tard, « Le retour de Godzilla » voit Motoyoshi Oda succéder à Ishirō Honda. Pour le meilleur ? Pas sûr… Certes le film a introduit un élément essentiel à la suite de la franchise, à savoir un autre monstre destiné à affronter Godzilla (ici un pseudo ankylosaure du nom de Anguirus, qui reviendra dans d’autres épisodes de la saga) mais il n’a ni la force du message du premier film (malgré là encore quelques images fortes, notamment une vision lointaine de la ville d’Osaka détruite par Godzilla et dont le ciel qui la surplombe fait penser à un champignon atomique…) ni la réussite des effets spéciaux. On reste bien sûr dans la lignée du premier mais ici, bizarrement, Godzilla et son antagoniste n’ont pas systématiquement été filmés au ralenti, ce qui donne parfois aux deux créatures des allures de Benny Hill… Et je ne vous parle pas de leur combat, qui fait sourire et éteint du même coup toute tension dramatique…

Pour ce qui est de l’intrigue, le film parvient à ne pas faire la même chose que son prédécesseur tout en gardant une structure finalement très similaire quand on gratte un peu le vernis. C’est bien dommage, car on retrouve dans ce film certains personnages du film précédent (en premier lieu le paléontologue Yamane), créant un lien efficace entre les deux longs métrages et donnant aux paroles de Yamane à la fin du premier film des allures de prophétie. Mais la sauce prend moins bien, même si le plaisir est toujours là (quand on est dans le bon état d’esprit bien sûr). Le film n’est pas raté pour autant, mais il n’a indéniablement pas la force du film fondateur, ni sa tonalité crépusculaire et donc ne parvient pas à accrocher aussi bien, d’autant qu’il ne s’évite pas certaines longueurs (un dernier combat bien long, fait de tirs de missiles sur des falaises enneigées…). Qu’à cela ne tienne, la couleur arrive avec le film suivant !

 

Mothra contre Godzilla, de Ishirō Honda

Et ce film suivant, ce n’est pas ce « Mothra contre Godzilla » mais plutôt « King Kong contre Godzilla » (qui voyait le retour à la réalisation de Ishirō Honda), que je n’ai pas vu. Donc on passe directement au quatrième film de la franchise (à nouveau dirigé par Ishirō Honda). Mothra ne sort pas de nulle part puisque ce monstre a eu droit à son propre film en 1961, sobrement intitulé « Mothra » et le revoici donc en 1964 pour intégrer la saga « Godzilla ». Changement d’ambiance ici, le ton se fait plus léger puisque, concurrence avec la télévision oblige, il fallait plaire autant aux enfants qu’aux adultes pour se donner le plus de chances possibles d’attirer le public au cinéma.

L’histoire débute par un oeuf géant qui s’échoue sur les côtes japonaises après un orage. On découvre vite que cet oeuf appartient à Mothra, une énorme créature en forme de papillon qui vit sur une île sur laquelle elle est adulée par les habitants, et qu’il faudrait le lui rendre avant que la larve qui en sortira ne sème le chaos autour d’elle. Manque de chance, cet oeuf a été acheté par de vils capitalistes qui comptent bien construire un parc d’attraction autour de lui. Et peu de temps après, c’est Godzilla lui-même qui refait parler de lui en ravageant Nagoya. Mais pourquoi ne pas rendre l’oeuf à Mothra tout en cherchant à obtenir son aide contre Godzilla ? C’est en allant négocier avec les habitants de l’île de Mothra que les personnages s’aperçoivent des ravages provoqués par les essais nucléaires…

Mêlant à la fois légèreté (son ton global, avec quelques personnages archétypaux poussés à l’extrême, mais aussi un côté « fantasy » assez prononcé avec les deux fées qui accompagnent Mothra) et thématiques plutôt sombres (les essais nucléaires bien sûr, le choix d’accorder ou non son aide à une humanité capable du pire comme du meilleur, savoir ce qui, du pire ou du meilleur, des coupables ou des innocents, importe le plus), le film joue un jeu délicat mais le fait étonnement bien, parvenant à garder un équilibre pourtant compliqué à trouver.

Godzilla (qui arrive relativement tard dans le récit) conserve son rôle de méchant métaphorique, Mothra endossant quant à lui le rôle de la nature personnifiée, les enjeux humains (à l’échelle des personnages) sont tout aussi importants que les enjeux à plus large échelle, les uns ayant une incidence sur les autres, bref, on a là une jolie réussite narrative, même si on ne peut que regretter que le ton global soit devenu un peu plus enfantin. Alors bien sûr, côté technique, on est à des années-lumière de ce qui se fait maintenant (le premier combat entre Godzilla et Mothra reste plutôt sympa, le combat final beaucoup moins malheureusement), mais quand on décide de regarder ce film on sait à quoi s’attendre… Mais dans l’ensemble ça se laisse largement regarder, à condition toujours de savoir dans quoi on met les pieds bien sûr.

 

  
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