Les sentiers de Recouvrance, de Émilie Querbalec
Quatrième de couverture :
Dans une Europe en pleine transition écologique, le portrait poignant et lumineux de deux adolescents invités à conjuguer leur guérison avec celle de la Terre.
2035.
Ils s’appellent Anastasia et Ayden.
Ils ne se connaissent pas, mais leurs chemins sont amenés à se croiser.
Anastasia a grandi dans une Espagne qui subit de plein fouet les conséquences du réchauffement climatique. Après la mort accidentelle de son père, elle assiste, impuissante, au naufrage de sa mère.
Ayden, lui, a appris à ses dépens qu’à trop jouer avec le feu on se brûle.
Laissant derrière eux leurs existences brisées, ils ont pris chacun de leur côté la route de la Bretagne pour l’Île de la Recouvrance où les attend l’espoir d’une vie meilleure.
Émilie Querbalec est née au Japon et s’est imposée très vite, en l’espace de trois romans, comme l’une des voix les plus puissantes de la science-fiction française contemporaine. Son roman Quitter les monts d’Automne a reçu le prix Rosny aîné et le prix poche de l’Ouest Hurlant. Finaliste de nombreux prix littéraires, dont le prix Européen de science-fiction, son troisième roman Les Chants de Nüying a été récompensé par le prix Méditerranée de l’Imaginaire.
Reconstruction adolescente
Se plaçant dans la mouvance actuelle de la fiction climatique « optimiste », « Les sentiers de Recouvrance » tourne autour de deux adolescents, Anastasia et Ayden, que la vie n’a pas épargnés, dans leur coeur ou dans leur chair. Placés dans une situation difficile pour des raisons que je ne détaillerai pas ici pour ne pas déflorer le roman plus qu’il ne le faut, les deux ados se retrouvent jetés sur la route, en direction, pour Anastasia, de l’île (imaginaire) de Recouvrance en Bretagne, lieu de naissance de son père, et là où le vent le portera pour Ayden. Leurs chemins vont bien évidemment se croiser, d’une manière bien particulière et extrêmement importante pour eux deux. La première partie du roman est donc une sorte de road-movie sur deux plans parallèles, fait de chapitres courts mais qui, toujours, prennent le soin de détailler la nature dans laquelle évoluent les deux personnages (aussi bien de la Sierra de Guara dans le sud des Pyrénées espagnoles que des Landes françaises ou de la Bretagne insulaire), comme une manière pour eux comme pour le lecteur de « sentir » cette nature, cette terre, pour mieux s’y reconnecter. Car c’est peut-être ça la vraie thématique du roman, le plaçant donc dans cette voie très actuelle et qui ne cesse de prendre de l’importance de retour à la terre, de retour aux sources de ce qui a permis à l’humanité d’en arriver là où elle se trouve aujourd’hui et que sa soif de croissance sans limite la pousse pourtant à détruire : la nature. Sans dire pour autant qu’il faut tout abandonner et vivre à l’ancienne, mais simplement reprendre conscience du monde qui nous entoure.
N’en oubliant pourtant pas la SF, dans une jolie surprise à mi-parcours du récit qui rebat les cartes, « Les sentiers de Recouvrance » est d’une beauté formelle incontestable. Ce ne sera pas une surprise pour qui a l’habitude de la plume d’Émilie Querbalec, mais c’est à nouveau une démonstration d’élégance, d’humanisme, de sensibilité (mais pas de sensiblerie) et de bienveillance tout à la fois. Dans une seconde partie qui prend donc une nouvelle direction, les personnages d’Anastasia et Ayden prennent de l’épaisseur. De leur interaction mais aussi de leur cheminement tout personnel naît un réel attachement dans l’esprit du lecteur et on suit avec intérêt et tendresse leur reconstruction, image de celle que devrait suivre l’humanité à plus grande échelle (et que, dans le roman, elle a déjà engagé, détaillée par Émilie Querbalec par petite touches bien concrètes).
Difficile de rester insensible devant certaines scènes : la rencontre entre Anastasia et son cheval, la découverte d’une éventuelle nouvelle voie botanique pour Ayden. Le roman est infusé de cet optimisme pas du tout béat, de cet optimisme tout simplement beau. C’est un roman qui, à travers cette île de Recouvrance qui n’existe pas (mais qui doit son nom autant à un quartier brestois qu’à la définition même du mot, l’un devant d’ailleurs beaucoup à l’autre) mais que chacun pourra se représenter à sa manière avec les belles descriptions faites par l’autrice (bien qu’on puisse y déceler peut-être certaines « exagérations » comme une taille plus que respectable : une centaine de kilomètres de long, soit cinq fois la longueur de Belle-Île-en-Mer (la plus grande des îles bretonnes) ou trois fois celle d’Oléron, on est donc loin des classiques petite îles bretonnes, mais c’est un détail qui n’a par ailleurs aucune importance donc ça passe crème), fait passer un beau moment loin de la dureté du monde (bien qu’il ne s’économise pas de certains passages difficiles). On peut même, bien que leur approche soit très différente, le rapprocher du dernier roman de Kim Stanley Robinson, « Le ministère du futur ».
Alors certes on ne trouve pas dans « Les sentiers de Recouvrance » de vertige SF du genre « sense of wonder » qui vous emmène loin dans l’espace et le temps, ni d’artifice technologique ou de théorie scientifique qui permettent d’imaginer les plus extraordinaires des récits, mais avec cet avenir proche, cet amour de la nature, cette intimité partagée avec ses personnages et ces beaux portraits d’adolescents tentant de trouver leur place en ce monde, Émilie Querbalec nous offre à nouveau un très beau roman (sublimé par la magnifique couverture d’Aurélien Police), un peu hors du temps (et de l’espace, sur cette île loin des vicissitudes du monde extérieur) et pourtant paradoxalement totalement dans l’air du temps, un roman important pour l’autrice comme pour le lecteur, un roman positif qui nous montre une voie, un roman profondément attachant qui a tout pour laisser une trace, qu’il faut espérer indélébile.
Lire aussi les avis de L’épaule d’Orion, Accrocstiches.
Il est temps que je découvre cette romancière…
Oh que oui, j’adore ce qu’elle écrit, tu devrais te régaler. Content de te revoir par ici. 😉
À « Bretagne » j’ai su que ton avis ne pourrait être que positif.
Et à « positif » tu l’as ajouté dans mes lectures potentielles, surtout que l’ensemble est intrigant.
Zut, je suis corruptible dès qu’on parle de la Bretagne ? 😀
Je pense que tu pourrais bien apprécier ce roman. 😉
Une autrice très appréciée avec une belle plume.
Je note.
Oui, ça vaut vraiment le coup. 😉
Tu en parles très bien et on ne peux être que d’accord avec toi mais cela ne m’empêche pas de m’y être ennuyé. C’est beau, c’est sensible, c’est intelligent mais il m’ manqué un petit quelque chose. Trop contemplatif pour moi…
Je peux comprendre, ça n’est pas « trépidant », c’est très contemplatif. C’est un roman qui invite à se poser, à prendre son temps. Ça peut ne pas plaire à tout le monde.
Voilà qui me donne plus envie que les deux précédents! (Contre lesquels je n’avais rien *en particulier*, juste pas d’attrait potentiel.) J’aime les gens optimistes, moi.
Il en faut pour tous les goûts ! 😀
J’aime les gens qui aiment les gens optimistes. 😉
Ca va me faire bizarre cette histoire, j’ai vécu plus de 20 ans à Brest…. Enfin il est noté en wish-list celui-là !
Le nom te parle, évidemment.
Mais pour ce qui est de la Bretagne, tout se passe sur cette île inventée par l’autrice. Donc rien de concret qui correspond à ce que tu peux avoir vu. Si ce n’est des sensations, des paysages, au gré des descriptions d’Émilie Querbalec. Ça fait forcément appel à un certain affect’, des choses que tu as gardées en toi. Ça peut te parler. 😉
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