Zapping cinéma et VOD, épisode 65

Posted on 10 mars 2022
Retour en arrière sur mes derniers visionnages de films. Un retour conséquent puisque je repars jusqu’en fin d’année 2021, avec « Don’t look up » (sur Netflix) de Adam McKay, film qui a beaucoup fait parler de lui, et le fameux « Matrix Resurrections » de Lana Wachowski qui aurait bien mérité un article à lui tout seul tant il y a de choses à dire sur ce film. Mais j’ai trop tardé, l’intérêt d’un tel article me semble un peu passé… Et pour compléter, retour également sur le « Sicario » de Denis Villeneuve (sorti en 2015), lui aussi dispo en VOD.

 

Matrix Resurrections, de Lana Wachowski

C’est peu de dire qu’il était attendu celui-là ! Dix-huit ans après le dernier film de la fameuse trilogie qui a révolutionné le cinéma d’action et les effets spéciaux, que pouvait donc bien avoir encore à dire une Lana Wachowski qui se retrouve seule aux commandes, sans sa soeur Lilly ? Et fallait-il avoir en tête les doutes qui se sont irrémédiablement immiscés dans l’esprit des spectateurs après un trailer au fort goût de réchauffé du premier « Matrix » ?

Très attendu donc, et finalement très étrillé par une critique qui n’a pas été tendre avec un film que Lana Wachowski a marqué de son empreinte. Et de quelle manière ! Avec ce présupposé de départ d’une nouvelle matrice qui aurait phagocyté les évènements de la première trilogie pour en faire une franchise à succès de jeux vidéo (créés par Thomas Anderson/Néo lui-même, redevenu le programmeur qu’il était au départ), c’est tout un discours qui se veut très clair sur l’industrie du cinéma que nous livre la réalisatrice. Les choses sont simples : alors que dans le film l’employeur (le studio Warner, clairement nommé !) de Thomas Anderson lui demande de plancher sur un nouveau jeu Matrix, qui se fera de toute façon, avec ou sans lui, Lana Wachowski annonce la couleur aux spectateurs. Non elle n’avait pas envie de faire ce nouveau film, mais elle y a consenti plutôt que de voir la franchise lui échapper. Sauf qu’elle va le faire à sa manière, en envoyant bouler tout ce que les fans aussi bien que les décideurs financiers attendent d’elle. C’est ultra honnête de sa part et surtout ultra gonflé.

Alors c’est sûr, partant de là, il ne faut pas s’attendre à un nouveau « Matrix » dans la droite lignée des trois premiers. Et c’est finalement tant mieux. Oui, les personnages ont vieilli, non les combats n’ont pas le même impact qu’auparavant, non les effets spéciaux ne seront pas révolutionnés une  nouvelle fois avec ce film.

Mais ce qui transparaît avant tout dans ce « Matrix Resurrections » c’est tout l’amour que porte Lana envers ses personnages. On pourra certes tiquer un peu sur un nouveau Morpheus (incarné par Yahya Abdul-Mateen II) qui ne manque pas d’attrait au début (avec ses tenues colorées qui tranchent avec le reste de la photographie du film, pourtant très chatoyante, loin de l’ambiance verdâtre de la trilogie) mais qui finit par inexorablement s’effacer, tout autant que sur un Agent Smith qui, malgré les efforts de Jonathan Groff, ne parvient pas à être aussi marquant que lorsqu’il fut joué par Hugo Weaving.

Du côté des petits nouveaux, on notera la belle prestation de Jessica Henwick en Bugs, ou celle de Neil Patrick Harris en psychologue qui cache bien son jeu. Mais pourtant tout cela parait fade face à Keanu Reeves et Carrie-Anne Moss qui illuminent l’écran dès qu’ils apparaissent. Certes, Reeves joue le rôle d’un personnage perdu, finalement très passif une bonne partie du film, tandis que Moss, alors que son personnage de Trinity met du temps à prendre de l’importance, reste au début au second plan.

Et puis tout devient lumineux dès lors que les personnages se rencontrent. Les plus belles scènes du film sont là, lorsqu’ils sont présents tous les deux, se connaissant sans même le savoir. C’est beau et émouvant, plein de non-dit, et l’amour de Lana Wachowski envers Néo et Trinity est plus que palpable.

Alors bien sûr, en tant que tel, je ne suis pas sûr que ce « Matrix Resurrections » ait été nécessaire à la franchise « Matrix » (que la fin de « Revolutions » concluait très bien), là aussi c’est transparent dans ce que raconte le film. Je ne suis pas sûr non plus que ce soit un « bon » film dans l’absolu. Mais puisqu’il fallait de toute façon le faire, j’aime autant que la réalisatrice l’ait fait comme elle le voulait, en dénonçant ce qu’elle souhaitait dénoncer, et en faisant revenir de cette manière bien précise des personnages que, personnellement, je chérie autant qu’elle. Et rien que pour ça, je ne regrette absolument pas l’existence de « Matrix Resurrections » qui vaut plus pour son honnêteté et son discours meta implicite autant qu’explicite que pour son intrigue (qui oublie l’ampleur et l’epicness de celle des trois premiers volets au bénéfice d’une simple mais belle histoire d’amour) mais pour lequel je dis un grand « merci Lana ! ».

 

Sicario, de Denis Villeneuve

J’ai bien sûr vu les derniers films de Denis Villeneuve (« Dune », « Bladerunner 2049 », « Premier contact »), tous purement SF, ainsi que le très bon « Prisoners ». Avant de voir arriver (en 2023) le déjà très attendu « Rendez-vous avec Rama » et bien sûr le deuxième volet de « Dune », j’ai eu envie de découvrir une partie du reste de son oeuvre, en commençant par « Sicario ».

Film sans concession sur les cartels de drogue au Mexique, le film met en scène Kate Macer (incarnée par Emily Blunt, une actrice toujours excellente que j’apprécie beaucoup), agente au FBI, qui se porte volontaire pour une opération visant à capturer (ou pire…) le chef du cartel de Juarez. L’occasion de constater pour cette femme flic, forte et idéaliste, que le gouvernement pour lequel elle travaille est prêt à faire les pactes les plus faustiens (sans parler de la légalité de la chose…) pour tenter de mettre un peu « d’ordre » dans la lutte que se livrent les cartels et les forces de l’ordre.

Filmé de manière très « brute », « Sicario » n’est pas là pour enjoliver les choses ou pour faire du spectaculaire. Nerveux, tendu, le film déroule son fil narratif pour en arriver à un constat qui ne peux être qu’un échec, quand bien même certains criminels se retrouvent avec une balle entre les deux yeux.

Techniquement ultra léché (avec une nouvelle fois une photographie de Roger Deakins de toute beauté), le film montre que, si Denis Villeneuve aime toujours prendre son temps sur des travellings paysagers, il sait aussi river le spectateur sur son siège, accroché aux accoudoirs devant des scènes de tension extrême. A ce titre, la scène du convoi entre les USA et Juarez est absolument pétrifiante : il se passe peu de choses, mais la tension est à son paroxysme, on est clairement ici devant un sommet de maîtrise cinématographique.

On le savait déjà, Denis Villeneuve sait oeuvrer dans d’autres domaines que la SF. « Prisoners » me l’avait déjà montré, « Sicario » , porté par d’excellents acteurs (Emily Blunt donc, Josh Brolin également, et on n’oubliera surtout pas non plus la superbe performance hypnotique de Benicio del Toro), ne fait que le confirmer, et de très belle manière. Excellent.

 

Don’t look up, de Adam McKay

Le voilà le film dont tout le monde a parlé à sa sortie. Avec un casting hors norme (jugez un peu : Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Cate Blanchett, Timothée Chalamet, Ron Perlman, et j’en oublie quelques autres…), il ne pouvait que susciter la curiosité, au minimum, d’autant plus que son réalisateur, Adam McKay, s’est fait ces dernières années une belle réputation cinématographique (« The Big Short », « Vice »).

Sur un mode mi-tragique, mi-comique, le film relate la découverte par une jeune scientifique d’une comète sur le point de s’écraser sur Terre, risquant de provoquer, si rien n’est, l’extinction de toute vie sur la planète. Il faut donc prévenir les politiques, les médias, etc… Mais dans notre société, axée sur l’entertainment avant tout, avec une volonté (inconsciente ?) de ne pas voir la vérité en face, les choses ne sont pas si simples.

Et tout y passe : les personnalités politiques, dont la courte vue s’arrête aux prochaines échéances électorales, les personnalités médiatiques, qui ne cherchent que l’amusement de leur audimat au détriment de leur information, les personnalités économiques, celles qui tiennent en coulisse les rênes des pays industrialisés et dont l’aveuglante toute-puissance ne masque que leur incompétence, etc… Du point de vue sociétal, on peut dire que le film appuie là où ça fait mal, et on a beau se dire qu’il en fait parfois un peu trop, la réalité a vite fait de rattraper la fiction. Et ça fait froid dans le dos…

La critique est vive donc, et son acuité est réelle. Et même si le film ne manque pas de défauts (sa volonté un peu folle d’aller dans tout un tas de directions le dessert quelque peu : il est notamment trop long, s’égare dans des scènes sans grand intérêt, et finit même par devenir un peu ennuyeux dans un gros ventre mou au milieu), il laisse un sentiment qui s’installe durablement dans la tête du spectateur qui fait le parallèle avec le réchauffement climatique (qui est sans doute le sujet réel du film, même si la temporalité est différente) : on est mal barrés…

 

  
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