Bifrost 106, spécial Kim Stanley Robinson

Tiens, le Bifrost 106… Oui, je ne suis pas en avance, puisque le 108 est sorti depuis un certain temps. Mais je traîne en ce moment, particulièrement plus que d’habitude, et j’ai eu besoin de lire quelques textes courts pour me remettre à la lecture, et ça commence pas ce Bifrost, qui plus est sur un auteur que j’aime beaucoup.

 

Les rubriques habituelles

Après un édito consacré au retour de la fameuse revue « Métal Hurlant », on retrouve bien évidemment les critiques des dernières sorties livresques (enfin, dernières… au moment de la sortie de ce numéro 106 quoi, paru en avril 2022…), et la traditionnelle double page de Thomas Day qui dézingue analyse les dernières revues parues. Suit une interview de Florence Magnin (à propos de laquelle il faut souligner la sortie il y a quelque temps de son superbe artbook, alors que j’attends maintenant l’arrivée prochaine de la rééddition de son fameux tarot d’Ambre, renommé pour des questions de droit « tarot de la Marelle »).

L’article « Scientifiction » de Roland « 31387 » Lehoucq s’intéresse, à la suite de la sortie du film « Don’t look up » sur Netflix, au astéroïdes géocroiseurs et autres comètes potentiellement tueurs dans la cas d’un impact avec la Terre. Comment on les détecte, comment on réagit, ce qu’il est possible de faire, c’est comme d’habitude un excellent article.

Et enfin, quelques news viennent clôturer ce numéro.

 

Le dossier Kim Stanley Robinson

Notamment célèbre pour sa fameuse trilogie martienne (trilogie qui bénéfice d’ailleurs, au sein du dossier de ce numéro, d’une très belle analyse signée FeydRautha), Kim Stanley Robinson est un peu le spécialiste des gros pavés au rythme un peu mou mais dont le fond reste la plupart du temps remarquablement pertinent. Et parfois (souvent ?), il est touché par la grâce.

Le guide de lecture permet donc de mieux cerner les parutions du monsieur et de faire son choix. Personnellement, je commence à avoir pas mal de ses romans sur la PAL, et il va vraiment falloir que je m’y mette sérieusement (la trilogie climatique ? « 2312 » ? « Chroniques des années noires » ? « Lisière du Pacifique » ?). Et pourquoi tenter quelques nouvelles, même si l’auteur en a écrit assez peu (enfin, c’est à relativiser quand même puisque sa bibliographie en dénombre 89… mais la moitié viennent du recueil « Les Martiens » !). Après tout, comme on le verra plus bas, dans ce domaine aussi Kim Stanley Robinson a du talent.

Le dossier, via un article biographique (signé Pascal J. Thomas) et une interview (par Terry Bisson), permet de mieux connaître l’auteur. J’étais déjà convaincu de ses qualités, je le suis encore plus maintenant. 🙂

Et bien sûr, pour les complétistes, Alain Sprauel a une nouvelle fois montré ses talents d’archiviste avec la bibliographie complète de l’auteur.

 

Les nouvelles

L’auteur mis en avant dans ce numéro ouvre le bal des nouvelles avec « Venise engloutie ». Ce texte serait-il le germe du très bon « New York 2140 » ? Avec un ville sous les eaux et une énorme tempête, on est en droit de se poser la question. Le fait est que sur ces bases, les deux textes fonctionnent bien, le (gros) roman « New York 2140 » en développant tout un écosystème (y compris financier) et un « way of life » autour d’une ville de New York submergée par la montée des eaux, et la nouvelle « Venise engloutie » dont la brièveté la fait se recentrer sur le personnage de Carlo Toffur, devenu guide pour touristes aux buts pas toujours très reluisants. Quoique, ça dépend du point de vue… En tout cas, le propos est une nouvelle fois limpide, et interroge le lecteur, sans l’orienter de manière forcée. Du pur Kim Stanley Robinson qui agrémente le tout, là encore comme dans « New York 2140 », d’une certaine adaptation des habitants de Venise à la vie dans une ville en grande partie engloutie (habitations sur les toits, etc…). Excellent, et tout à fait représentatif des préoccupations de l’auteur, qui seront largement développées dans ses textes suivants.

Rich Larson arrive ensuite avec « On est peut-être des sims ». Déjà largement mis en avant au catalogue du Bélial’ avec son recueil « La fabrique des lendemains » et son roman « Ymir » (tous deux sur ma PAL), l’auteur peine ici à convaincre, sur un texte qui marche un peu sur les platebandes de la nouvelle « Treize pour le Centaure » de J.G. Ballard, en le développant toutefois de manière différente, plus moderne en un sens, mais sans doute pas plus réussie. Rich Larson, dans ce huis clos, n’apporte à raison aucune réponse au questionnement des trois astronautes anciens détenus lancés dans une mission de colonisation, mais le lecteur, peu convaincu, reste lui aussi dans le flou…

Johan Heliot prend le relai avec « Résonance lointaine », un texte très mélancolique et très humain, en suivant un homme dont l’épouse a été contaminée par le SRN (Syndrome de Reconfiguration Neuronale). Par chance, elle fait partie des « Sept Pour Cent » (SPC), les quelques rares survivants à cette nouvelle pandémie. Est-ce vraiment une chance ?… Car une fois redevenus conscients, les SPC ne sont plus vraiment les mêmes… On chemine donc avec cet homme, lui qui fait partie des « suiveurs », les personnes qui suivent la « migration » des SPC vers différents endroits sur la planète. Un texte à la fois beau et triste, qui traite d’amour, de deuil et de reconstruction, écrit « simplement », sans chichi, mais tout à fait efficace, même s’il nécessite une certaine dose de suspension d’incrédulité. Dommage toutefois qu’on manque d’informations pour interpréter le devenir des SPC.

Et enfin, pour finir, Tade Thompson est à l’affiche de ce numéro avec « Expiation ». Un récit d’invasion alien, avec un résultat dramatique : l’humanité est rayée de la carte, à l’exception de cinq « chanceux ». Mais comme les ET n’ont pas fait exprès de détruire notre espèce, ils proposent à nos cinq derniers représentants de reconstruire un petit bout de Terre, comme au bon vieux temps, dans une sorte d’enclave qui leur est réservée. Storm, l’un des cinq, est chargé des personnes peuplant ce lieu, qui sont des « Simulants » mais auxquels il essaie d’inculquer quelques notions d’humanité. C’est le quotidien d’un survivant frustré, énervé, que nous suivons ici, lui qui, même s’il fait partie des cinq derniers, ne s’entend pas avec ses congénères. Un petit condensé de tout ce que l’humanité ne parvient pas à faire pour assurer sa survie… Et un texte tout à fait agréable.

 

Pour conclure

Kim Stanley Robinson, en tant qu’auteur incontournable du genre SF, méritait bien un dossier dans un Bifrost. C’est maintenant chose faite, et bien faite. Accompagnée de l’envie de découvrir plusieurs autres de ses chefs d’oeuvre, passés et futurs, étant donné qu’il est maintenant systématiquement traduit (et j’attends de pied ferme son prochain roman, « The ministry for the future », à paraître chez Bragelonne, sans doute en 2023).

Et avec des nouvelles au goût varié, on a là un cocktail à consommer sans modération, même en étant très très en retard !

 

  
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