Void star, de Zachary Mason

Posted on 22 avril 2020
Le cyberpunk, ça vous dit quelque chose ? Genre emblématique des années 80, porté par le célèbre « Neuromancien » de William Gibson et tous les auteurs qui l’ont suivi (Bruce Sterling, Walter Jon Williams, George Alec Effinger…), certains le disent mort et enterré depuis belle lurette, trop lié qu’il était à une époque très spécifique. Il a pourtant essaimé dans de nombreux romans qui, même s’ils ne s’en réclament pas totalement, lui doivent énormément (cités sur ce blog : « Dans la dèche au Royaume Enchanté » de Cory Doctorow« Le fleuve des dieux » de Ian McDonald, « Des larmes sous la pluie » et « Le poids du coeur » de Rosa Montero, « Ch3val de Troi3 » de Eric Nieudan, « Station : la chute » de Al Robertson, « La cité de l’orque » de Sam J. Miller ou « Rosewater » de Tade Thompson, et tant d’autres…). Zachary Mason replace le cyberpunk dans un monde moderne, avec les problématiques de notre temps, et avec « Void star » fait carrément oeuvre d’hommage envers le maître Gibson.

 

Quatrième de couverture :

Dans un futur proche, en Californie… Tandis que les réfugiés climatiques s’entassent dans les favelas surveillées par des drones armés, les cliniques privées proposent aux plus riches des vies à rallonge. Un luxe qu’Irina peut s’offrir depuis qu’elle joue les intermédiaires entre ses clients fortunés et des intelligences artificielles devenues incontrôlables. Kern, lui, a fait de la rue son terrain de chasse préféré. Petit voleur passionné d’arts martiaux, il s’est spécialisé dans le recouvrement musclé. Quant à Thales, blessé dans l’attentat qui a coûté la vie à son père, il a fui son Brésil natal, mais sait que ses jours sont comptés car son implant cérébral se détériore inexorablement. Trois destins appelés à se croiser quand Irina surprend dans un reflet d’écran ce qu’elle n’aurait jamais dû voir, quand Kern se trompe de cible, quand une mystérieuse voix exige de Thales qu’il livre ses souvenirs. Trois personnages poursuivis par des forces insoupçonnées, et désormais en danger de mort……

 

Le cyberpunk bouge toujours, et pas qu’un peu !

Dans un monde futuriste mais non daté, les ravages climatiques que nous pressentons ont eu lieu : les eaux sont montées, de nombreuses zones côtières, voire des villes entières, ont été submergées, causant des flots massifs massifs de réfugiées climatiques fuyant les zones sinistrées. Tout ceci s’accompagne du chute plus ou moins prononcée des pouvoirs politiques et étatiques (au profit d’immenses multinationales tentaculaires), amenant les populations de nouveaux arrivants à se mêler à la population de ceux déjà sur place mais exclus car trop pauvres pour se faire une place parmi les bien-portants, tout le monde s’entassant dans des favelas délabrées.

Et puis, bien au-dessus de tout cet amas d’humains, il y a les IA. Des Intelligences Artificielles mystérieuses, capables de s’auto-répliquer et d’évoluer, qui continuent de faire ce pour quoi elles ont été conçues au départ mais que plus personne, à part quelques rares spécialistes, ne parvient à comprendre.

C’est dans ce paysage pas très optimiste que naviguent les trois personnages principaux du récit. Irina tout d’abord, l’une des rares personnes aptes à communiquer avec les IA (grâce à un implant cérébral), et qui fait payer très cher ce talent. Elle arrive d’ailleurs au début du roman à San Francisco pour honorer un contrat avec un milliardaire, ce qui lui permettra de continuer à se payer son traitement anti-vieillissement pour lequel il ne faut surtout pas rater une échéance sans quoi il devient inefficace.

Ensuite il y a Kern, jeune réfugié dans une favela de Los Angeles, passionné d’arts martiaux et qui vit de petits deals sans grande importance. Jusqu’au jour où le vol d’un simple téléphone portable va l’amener à mettre le doigt dans un engrenage qui le dépasse totalement.

Enfin, Thales, fils du Premier Ministre brésilien, qui a échappé de peu à l’attentat qui a tué son père et qui a fui à Los Angeles pour se remettre de cet évènement dramatique qui l’a obligé à se faire poser un implant pour remplacer une partie de son cerveau endommagé.

Trois personnages pour trois trajectoires individuelles qui vont inévitablement finir par se croiser, voire se percuter, dans ce monde ou dans un autre, cyberpunk oblige.

« Void star » est un roman assez excitant, reprenant toutes les habituelles thématiques du genre cyberpunk tout en les actualisant pour les faire correspondre au monde que nous connaissons aujourd’hui.

Fait de chapitres courts, jouant sur une alternance presque frénétique entre les différents personnages, le roman part sur des bases assez classiques avant de flouter les lignes en basculant à mi-récit sur quelque chose de différent, typiquement cyberpunk là encore, et qui hérite d’une part de mystère dû à ces Intelligences Artificielles incompréhensibles pour le commun des mortels. D’ailleurs, le fin mot de l’histoire n’a rien d’évident, et bien malin celui qui pourra prétendre avoir vu clair dans leur jeu…

Mêlant habilement transhumanisme et cyberpunk dans un récit ou différents niveaux de réalité se mélangent, jouant avec les perspectives apportées par les évolutions technologiques (qu’elles soient numériques ou non), Zachary Mason est parvenu à faire oeuvre d’hommage, à William Gibson avant tout bien sûr, tout en écrivant une oeuvre très personnelle, moderne et qui fait écho à notre société et nos préoccupations d’aujourd’hui.

Rythmé, dynamique, un brin exigeant mais résolument captivant, abordant les notions de mémoire et d’immortalité, deux concepts qui se font écho mais de manière bien différente en fonction des personnages, « Void star » est tout cela à la fois et récompensera le lecteur qui saura s’accrocher (un peu) avant d’accrocher (beaucoup) à ce futur imaginé par Zachary Mason. En espérant tout de même que notre vrai futur ne soit pas tout à fait comme celui-ci…

Lire aussi les avis de Gromovar, Alias, Yogo, Xapur, Nicolas, Victor Montag, Jean-Louis Dragon, Hilaire Alrune, Callysse.

 

  
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